
Avec la fragilisation des marchés financiers (dot com, subprimes), les matières premières agricoles sont devenues un terrain de jeux pour les spéculateurs. Une pratique immorale mais surtout criminelle, selon Virginie Pissoort, chargée de campagne chez SOS Faim, puisque de nombreux experts1 s’accordent à dire qu’elle est une des causes des crises alimentaires depuis 2007-2008.
Les titres financiers sur les matières premières agricoles existent de longue date. Ils permettent aux acheteurs, vendeurs et intermédiaires impliqués dans le marché des matières premières agricoles de se prémunir contre la volatilité intrinsèque des prix agricoles, en concluant des contrats à terme sur les récoltes futures. Mécanisme financier utile et même performant pour lisser les prix.
Mais, dans le sillon de la crise financière, des agents financiers étrangers à l’économie agricole ont créé une série de produits financiers complexes, liés à ces contrats à terme sur les matières premières. Cet afflux massif d’argent sur les marchés financiers agricoles a eu pour effet de créer une demande totalement fictive (déconnectée de l’économie réelle) engendrant d’une part une forte hausse des prix et d’autre part, une amplification du phénomène de volatilité des prix.
Dans les pays les plus pauvres, les effets sont désastreux. Pour le consommateur qui consacre la majorité de son budget à son alimentation, la hausse des prix des denrées de base engendre pauvreté et malnutrition. Quant aux agriculteurs, ils sont souvent trop pauvres pour tirer parti des hausses de prix et négocier des marges face aux commerçants et intermédiaires, ils sont au demeurant souvent condamnés à acheter plus qu’ils ne produisent pour nourrir toute la famille et paient le prix fort de ces produits alimentaires.
Les banques en Belgique y sont pour quelque chose
A la demande de SOS FAIM et d’autres ONG, Financité a réalisé en 2013, une étude sur le rôle des banques en Belgique. L’étude a révélé que la majorité des grandes banques offraient à leurs clients, au moins un produit d’investissement spéculant sur les matières premières agricoles. Suite à cette étude et à l’action de plaidoyer des ONG, un dialogue a pu se nouer avec plusieurs de ces banques. Il s’est parfois conclu par un engagement: Belfius a demandé au gestionnaire de fonds Dexia Asset Management de retirer de leur offre le produit incriminé, retrait confirmé en décembre 2013; KBC s’est formellement engagé à travers l’adoption d’une politique interne à ne plus créer les fonds incriminés. Mais le dialogue n’a pas toujours permis d’engranger des avancées significatives. Ainsi, BNP Paribas Fortis a entamé une restructuration des fonds mais continue à offrir des produits spéculatifs sur les matières agricoles à ses clients.
Pour enraciner les choses, c’est aussi sur le plan normatif et contraignant que les ONG ont également voulu situer le débat. A l’Europe, on peut dire aujourd’hui que les avancées de MiFid 2 sont timides … En Belgique, les ONG poursuivent leur plaidoyer. Plus d’infos : www.onnejouepasaveclanourriture.org
1 CNUCED ‘ Price Formation in Financialized Commodity Markets: The Role of Information’ 2011.