Enjeux
Agir
Pourquoi faut-il des banques transparentes ?
Les banques jouent un rôle central dans notre société. Elles gèrent les moyens de paiement (elles permettent de retirer de l'argent, recevoir son salaire, payer ses factures,...), elles octroient des crédits mais surtout, elles ont le monopole des dépôts. Sans elles, l'économie ne tourne pas.
Si elles se « comportent mal » (prennent trop de risques, investissent dans des activités néfastes….), elles sont susceptibles de mettre à mal la stabilité financière et de faire naître des crises comme cela s''est déjà produit.
Malheureusement, les banques sont très peu transparentes. Dans quoi investissent-elles ? A quelles entreprises prêtent-elles de l'argent ? Quelles activités réalisent-elles dans les paradis fiscaux ? …
Or, le manque de transparence empêche un contrôle efficace par les citoyens, la société civile et les pouvoirs publics et ne permet pas de vérifier la distance entre les annonces et les faits.
L'information est le nerf de la démocratie, ce qui nous permet de réagir lorsque notre système est défaillant, lorsqu'on estime que nos droits sont bafoués ou encore que ce même système n'est pas équitable. Pas d'information, pas de revendication.
A quel niveau s'exerce (ou pas) la transparence ?
Phase 1 : le réchauffement climatique
Quel lien entre investissement et réchauffement climatique ?
Le réchauffement climatique est une menace réelle pour la société. Les experts du GIEC estiment qu'il est indispensable de limiter les émissions de gaz à effet de serre pour maintenir le réchauffement sous le seuil des 2°.
Pour éviter une hausse des températures de 2°C, l'Agence Internationale de l’Énergie (AIE) soutient, dans son rapport annuel de 2012 – World Energy Outlook –, que 2/3 des réserves connues de combustibles fossiles doivent rester dans les sols pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Or, chaque année, l'extraction de charbon, pétrole et gaz est financée par nombre d'institutions, publiques ou privées, pour des milliards d'euros. Une solution pour lutter en faveur du climat est dès lors d'arrêter tout financement destiné au secteur des énergies fossiles en incitant les institutions financières (banques, investisseurs privés ou institutionnels) à ne plus verser un centime dans des entreprises exploitant du gaz, charbon ou pétrole.
En d'autres termes, il est indispensable de stopper tous les investissements dans les entreprises actives dans le secteur des énergies fossiles. De ce point de vue, les banques ont une responsabilité.
Par leurs activités, les banques financent le réchauffement climatique.
En tant que client, si je suis sensible à la question climatique, je suis en droit de me demander quels investissements et crédits ma banque réalise dans ce domaine.
En tant qu’État sensible à l'intérêt général et au bien-être de la société et des générations futures, je suis en droit de savoir et le cas échéant légiférer.
Or, que savons-nous des investissements et crédits que nos banques réalisent dans le secteur des énergies fossiles ?
Pourquoi le contrôle est-il rendu difficile ?
- La banque ne publie pas la liste de ses investissements ni celles de ses crédits.
- Les comptes sont parfois agrégés (suivant que ce soit une filiale – qui a une personnalité juridique propre ; ou une succursale qui n'a pas de personnalité juridique et qui a une comptabilité commune avec la maison-mère).
- Il existe des réglementations (policies) en matière de politique d'investissement mais en général, les banques se limitent à de grands principes sans publier la liste des entreprises qu'elles excluent sur base de ces principes et encore moins la liste des entreprises et projets qu'elles financent.
- Ces réglementations que la banque suit ou qu'elle s'impose sont communiquées de manière très différente d'une banque à l'autre.
- La question du secret des affaires, du secret bancaire, de la protection de la vie privée...
Phase 2 : la justice fiscale
Qu'entend-on par (in)justice fiscale ?
Les individus et les entreprises paient des impôts. Ceux-ci servent à couvrir les dépenses publiques telles que les infrastructures publiques et notre système de sécurité sociale. C'est un mécanisme de solidarité qui garantit le fonctionnement de nos démocraties : il permet la redistribution des richesses et assure le financements des politiques publiques (infrastructure, sécurité sociale…). La justice fiscale part du principe que chaque « entité » (tant les individus que les entreprises) contribue en fonction de ses moyens (principe vertical) et que deux entités « équivalentes » paieront le même niveau d'impôts (principe horizontal).
Or, certains faits participent à l'injustice fiscale. Par des mécanismes d'échappement à l'impôt, certaines personnes ou entreprises contribuent moins qu'elles ne devraient. Dans certains cas, il s'agit d'une fraude fiscale (l'individu ou la société transgresse la loi) mais dans d'autres, on parle d'optimisation fiscale (l'individu ou la société utilise les « zones grises » de la législation pour payer le moins d’impôts possibles tout en restant dans la légalité).
Ceci a un double effet. Les États se voient amputés d'une partie de leurs recettes leur permettant de mener à bien leurs politiques publiques. En outre, ces mêmes coûts publics devront être supportés par les moins riches de la société. Ainsi les moins nantis sont deux fois pénalisés.
L'utilisation des paradis fiscaux et l'opacité liée au compte d'épargne en Belgique font partie de ces « zones grises » qui favorisent l'injustice fiscale.
Banques et paradis fiscaux
Chaque année, dans l'UE, les pertes en termes de recettes fiscales s'élèveraient à 1000 milliards d'euros soit, 2000 euros par citoyens européen. Alors que la plupart des pays européens font peser le poids de l'austérité sur le citoyen lambda, les personnes les plus riches et les entreprises les plus grandes ne payent presque pas d’impôts, légalement ou illégalement. Au cœur de cette problématique, l'opacité du secteur bancaire.
Dans le dernier scandale d'évasion fiscale révélé (les Panama Papers), des milliers de particuliers et multinationales ont créé par l'entremise de leur banque et d'un cabinet d'affaires, des sociétés offshore dans des pays où la fiscalité est pratiquement nulle et l'administration accommodante. L'avantage recherché de ces sociétés-écrans est qu’elles sont administrées par des prête-nom fictifs et que le nom du bénéficiaire réel n’apparaît sur aucun document. Il suffit alors aux propriétaires d'y transférer leur argent pour le mettre à l'abri du fisc de leur pays.
Cette dernière affaire a montré que certaines banques ont fermé les yeux sur les agissements de leurs clients, voire les ont aidés à optimaliser leur situation fiscale. En Belgique, l'évasion fiscale est évaluée à 20 milliards d'euros par an minimum.
L'opacité des comptes épargne
Le nombre de comptes épargne en Belgique est conséquent : 19,362 millions de comptes réglementés fin 2015. Soit, 1,72 compte d'épargne par habitant en moyenne. Pourtant, 1 belge sur 4 n'épargne pas. Mais alors, pourquoi autant de millions sur ces comptes ? Car en Belgique, on ne paie pas d'impôt sur les intérêts de notre épargne (mise sur un compte épargne réglementé) versés par la banque jusqu'à un plafond de 1880 € d'intérêts. Par conséquent, certains citoyens multiplient le nombre de comptes afin de ne pas atteindre le plafond de 1880 €. Ils ne contribuent donc pas de manière juste à l’impôt public.
Phase 3 : l'épargne
Épargne : tout ce que nous ne savons pas
Lorsque l'on place son argent en banque, on lui prête son argent. En effet, celle-ci accordera ensuite des crédits à d'autres clients, entreprises ou particuliers. Cependant, nous n'avons aucune information sur l'affectation des crédits. Quelles sont les entreprises qui sont financées ? Financent-elles des entreprises actives dans l'armement ? Les entreprises qui reçoivent les crédits sont-elles respectueuses des droits humains? Dans quels projets controversés sont-elles impliquées ou non ?
Malheureusement nous n'avons pas la possibilité de le savoir. Et pour cause, au nom du devoir de discrétion les banques ne publient pas la liste de leurs crédits. Les institutions financières ne divulguent pas les informations sur leur client, sauf si la loi les y oblige.
Il ne serait pourtant pas compliqué pour les banques d'être plus transparente en la matière. Il suffirait en effet qu'elles prévoient dans leur contrat de crédit ou ailleurs, une clause qui leur donne le droit de citer le nom de l'institution bénéficiaire dans leurs rapports d'activités, par exemple .
O.Jerusalmy, 2016, « Si éthique tu t’étiquette, ton portefeuille tu ouvriras »
À quoi pourrait servir votre argent ?
Dans le meilleur des mondes, elles pourraient l'utiliser à des fin sociétales et poursuivre des objectifs environnementaux et sociaux. Malheureusement, l'objectif de rentabilité prime sur l'intérêt général. Voici quelques exemples d'entreprises ayant bénéficié de financements accordés par des banques présentes en Belgique (ces informations n'ont pas été rendues publiques par les banques, nous disposons des informations grâce au travail des organisations) :
- Lockheed Martin, l'un des plus importants fournisseurs d'armes à Israël
- Airbus, 7eme plus grande entreprise d'armement
- Nestlé, accusé à plusieurs reprises d'esclavage, travail des enfants, politique répressive envers les mouvements syndicaux
- Wilmar pointé du doigt pour déforestation, utilisation illégale des terres, ou encore violence à l'encontre des communautés locales