Comprendre la crise financière

19/03/2020 (h)

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Financité

Comme un parfum de 2008

Les bourses mondiales dévissent. Moins 30% pour l’indice américain du Dow Jones depuis le début de l’année. Les vingt plus grandes entreprises de Belgique (réunies sous le BEL20) ont perdu un tiers de leur valeur boursière depuis le 1er janvier. Et la nuit dernière, la Banque centrale européenne vient de sortir « l’artillerie lourde ». La crise sanitaire s’est-elle transformée en crise financière ?


1. Pourquoi les marchés dévissent ?

Il y a un mois, les économistes ne s’inquiétaient encore que peu de ce virus qui avait infecté les marchés financiers. L’explication était simple : l’activité économique chinoise tournant au ralenti, elle affecte l’activité du reste du monde. Et pour cause, la Chine pèse son poids dans le commerce international avec environ 30% de la production mondiale dans ses mains. Résultat, une chute des bourses européennes et américaines, mais pas forcément d’inquiétude. Lors de précédents épisodes (notamment lors de la crise du virus SRAS en 2003), les bourses avaient chuté de quelques pourcents, reprenant des couleurs à peine 3 semaines plus tard.
 
Quelques semaines plus tard, la situation a bien changé. Ce sont désormais la quasi-totalité des pays qui tournent au ralenti. Pris de panique, les traders qui anticipent des résultats en nette baisse pour les prochains mois auraient brûlé 6.000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Car des bénéfices réduits impliquent un dividende plus faible et donc une valeur de l’action moins importante. Par un mécanisme ce cercle vicieux, un mouvement de baisse entraîne également la baisse de la confiance des ménages qui a un impact sur l’économie, qui a elle-même un impact sur les marchés financiers, et ainsi de suite. La finance qui doit soutenir l’économie et agir en garde-fou est absente.
 
Mais ce n’est pas tout. Car pour combattre la crise sanitaire, les Etats vont devoir faire des dépenses importantes. Alors que la dette publique est déjà (trop) importante pour beaucoup, celle-ci va sans doute encore augmenter. Pour compenser, les investisseur·euse·s demanderont plus de garanties (c’est-à-dire un taux d’intérêt plus élevé) pour prêter aux pays. Certains pays risquent d’avoir beaucoup de mal à se financer. C’est aussi pour éviter cela que la Banque centrale européenne a pris de nouvelles mesures.
 

2. En quoi consiste le programme de la BCE ?

Concrètement, la BCE a annoncé un nouveau programme de rachat d’actifs de 750 milliards d’euros qui s’ajoute à celui déjà en cours. Pendant les 9 prochains mois, elle va donc dépenser 116 milliards d’euros par mois pour soutenir l’économie européenne.
 
Comment ? Pour faire simple, la BCE propose de racheter des obligations d’Etats ou d’entreprises aux banques européennes. Les actions ne sont pas concernées. Et elle les rachète avec de l’argent créé de toute pièce en faisant « tourner la planche à billet » de façon virtuelle. En achetant ces titres (qui ne valent souvent pas grand-chose aux yeux du marché), elle injecte alors des liquidités dans le système en espérant que celui-ci soit utilisé par les institutions financières pour accorder des crédits et ainsi soutenir la croissance.
 

3. Pour sauver qui ?

En réalité, en menant cette politique monétaire plutôt très accommodante depuis plusieurs années, elle tente de relancer la croissance, mais surtout de « sauver l’euro ». C’est le retour du fameux « whatever it takes » (peu importe ce qu’il faudra). Trois petits mots prononcés par Mario Draghi lorsqu’il était président de l’institution en 2012 et qui ont fait comprendre aux marchés financiers que la Banque centrale européenne était prête à tout pour sauver l’union monétaire.
 
Car en rachetant des dettes souveraines (les obligations émises par les différents pays), la BCE tente aussi d’unifier les « spreads ». Ce mot qui peut sembler barbare désigne la différence entre le taux d’intérêt demandé à l’Allemagne et à l’Italie, par exemple, pour se financer. Si la différence de traitement entre deux pays de la zone est trop élevée, c’est là que réside le réel risque de fragmentation de la zone euro. Lorsque l’on parle de sauver l’euro, on parle donc plutôt de sauver l’union monétaire.
 

4. Quelles conséquences ?

Sauf qu’en injectant massivement des euros créés de toute pièce depuis plusieurs années, la Banque centrale européenne a certes soutenu la croissance tant bien que mal, mais aussi créé une « bulle de liquidités » que certain·e·s dénoncent depuis des mois, voire des années.

Car au lieu de se transformer en crédits, la plupart des liquidités injectées se sont retrouvées sur les marchés financiers. Résultat : la majorité des valorisations en bourses étaient anormalement élevées, entraînant une chute d’autant plus importante aujourd’hui. D’où l’idée évoquée par certain·e·s que le coronavirus ne serait pas la cause de la crise financière, mais le déclencheur.
 
Et si le terme de krach financier n’est pas clairement défini dans la littérature économique, on sait qu’il suit généralement une période de hausse importante des prix, soit une « bulle spéculative ». Les Bourses ne cessant leur chute, nombre d’économistes réclament aujourd’hui sa fermeture, au moins le temps que les marchés reprennent leurs esprits.

 

Des aides en Belgique

Le SPF Economie a mis en place une série de mesures pour soutenir les entreprises et leurs salarié·e·s, face aux conséquences du Corona-virus.

Ces mesures visent principalement à :

  • permettre aux entreprises impactées de mettre leurs salarié·e·s en chômage temporaire
  • prévoir des modalités d’étalement, de report ou de dispense de paiement pour la plupart des prélèvements obligatoires des indépendant·e·ss et entreprises.

On retiendra avant tout les mesures concernant le chômage temporaire. Les entreprises peuvent faire appel au chomâge pour force majeure, lorsqu’une décision imprévisible et indépendante de leur volonté, rend leur activité totalement impossible. C’est le cas par exemple pour les cafés et restaurants qui ont été obligés de fermer le week-end.

D’autres entreprises ne peuvent fournir temporairement du travail à leurs travailleur·euse·s, en raison d’une diminution substantielle de leurs commandes ou de leur fréquentation. Celles-ci peuvent recourir au système de chômage temporaire pour des raisons économiques. Pour ce faire, elles doivent demander le statut « d’entreprise en difficulté » auprès du SPF Emploi. Les indemnités chômage ont été augmentées de 65 à 70% des revenus jusqu’en juin 2020.

Le paiement par les entreprises du précompte professionnel, de la TVA et de l’impôt sur les sociétés pourra être étalé.

Les indépendant·e·s, quant à eux·elles, peuvent prétendre à une réduction voire une dispense du paiement de leurs cotisations et à un revenu de remplacement.

Enfin, la région wallone et la région Bruxelles-capitale mettent également en place leurs propres mesures. En Wallonie par exemple, un plan de soutien aux micro et petites entreprises de 233 millions d'euros a été débloqué et les organismes publics de financement (telles que la SRIW ou la SOWALFIN) prévoient diverses mesures, comme le gel des remboursements de leur prêt pour le mois de mars.

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