
Chaque année, Financité publie son Rapport sur l’inclusion financière. Un focus spécial sur la façon dont la crise sanitaire a influencé l’accès aux comptes bancaires, aux crédits et à l’épargne nous montre que l’enjeu est plus grand que jamais.
Durant des mois, les agences bancaires sont restées portes closes. Et même lors du déconfinement, ne recevant plus que sur rendez-vous, les agences bancaires ont poussé à l’adoption de la banque numérique à distance, en profitant pour réduire encore leur réseau d’agences.
Accès et usage d’un compte bancaire
En 20 ans, la Belgique a déjà perdu 63,2% de ses agences. Et une certitude : il y a en aura encore moins l’an prochain. Si le développement de la banque à distance satisfait une grande partie de la clientèle, il laisse néanmoins de côté une partie de la population qui avait l’habitude de faire toutes ses opérations bancaires en agence, créant ainsi de nouvelles formes d’exclusion bancaire. Nous l’évoquions déjà dans notre rapport sur l’inclusion financière 2019, pour les personnes désirant continuer à effectuer des opérations manuelles, le coût d’un compte en banque ne cesse d’augmenter. Il est actuellement jusqu'à 9 fois supérieur au prix du service bancaire de base qui permet pourtant d'effectuer toutes ces opérations.
Le nombre de distributeurs de billets n’a cessé de diminuer lui aussi. Nos billets de banque ont été les pestiférés de la crise sanitaire, jugés non hygiéniques, et poussant ainsi au paiement par carte ou sans contact. Pourtant, l’accès au cash et les paiements en liquide sont indispensables pour nombre de personnes porteuses d’un handicap ou sans papiers. Ils étaient d’ailleurs encore utilisés dans 58% des transactions faites par des particulier·ère·s en 2019.
Le nombre d'exclu·e·s bancaires en Belgique reste difficile à quantifier : au moins 2% de la population adulte n’a pas de compte à vue selon les résultats de la dernière enquête européenne sur la consommation et les finances des ménages, pilotée par la Banque centrale européenne. Mais ce chiffre semble bien faible au regard des obstacles rencontrés par certains groupes vulnérables, comme les réfugié·e·s, lorsqu’ils·elles souhaitent ouvrir un compte ou le maintenir ouvert.
Instruments de crédits
Dès avril, une charte a permis un report de paiement de crédits hypothécaires qui s’est traduit pour les emprunteur·euse·s concerné·e·s par une prolongation de la durée initiale de leur crédit, égale à la durée du report. Selon les chiffres publiés début octobre, les banques ont accordé depuis le 31 mars 2020 plus de 120.664 reports de paiement aux particulier·ère·s pour leur crédit hypothécaire. Fin septembre, 5% des emprunteur·euse·s chez Belfius avaient demandé un report de paiement et un peu moins de 8% chez BNP Paribas Fortis. Début décembre, CBC annonçait avoir octroyé plus de 6.000 reports de paiement pour des crédits hypothécaires.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact de ces mesures, on constate néanmoins une augmentation du nombre de nouveaux crédits hypothécaires défaillants (+ 20,5%) entre octobre 2019 et octobre 2020 alors que ces données étaient stables ces dernières années.
Il a fallu attendre la fin mai pour que des mesures, sous forme législative cette fois, soient prises dans le cadre des crédits à la consommation. Le report de paiement accordé ne pouvait entrainer ni frais de dossier, ni intérêts de retard, ni aucun autre frais, à l'exception du taux annuel effectif global (TAEG) contractuellement prévu calculé à la période du report. Le report du crédit n’est donc pas gratuit.
Certain·e·s emprunteur·euse·s, qui avaient pu bénéficier des reports de paiement en raison d’un chômage partiel, doivent reprendre le paiement de leurs mensualités alors que leur situation ne s’est pas améliorée, voire a empiré. Il est très probable qu’une partie de ces crédits présenteront des défauts de paiement.
Les instruments d’épargne
Les montants déposés sur les comptes d’épargne atteignent des sommets : 283 milliards d’euros en octobre 2020 (+ 5% par rapport à la même période de 2019), soit un montant moyen de 24.624 € par habitant·e du royaume. Mais, un quart des ménages n’a pas de compte d’épargne et un tiers des ménages ne dispose pas d’un coussin d’épargne suffisant pour faire face à 3 mois de dépenses.
En 2019, le taux d’épargne moyen était d’environ 12 %. Il pourrait remonter en 2020, la crise sanitaire ayant conduit une partie des ménages à ne pas dépenser ce qu’ils avaient prévu pour certains postes de consommation (vacances, sorties…). Les données 2019 et 2020 permettant une comparaison entre les pays ne sont pas encore disponibles. Cependant Eurostat a déjà annoncé en juillet 2020 que le taux d'épargne moyen des ménages dans la zone euro avait été de 16,9 % au premier trimestre 2020, période pendant laquelle les mesures de confinement liées au Covid-19 ont commencé à être largement mises en place par les États membres, contre 12,7 % au quatrième trimestre 2019. Il s'agit de la plus forte augmentation depuis le début de la série en 1999.
Selon les prévisions du Bureau fédéral du Plan, le taux d’épargne des Belges par rapport au revenu disponible pourrait atteindra 20,1% en 2020. Mais ce taux moyen ne permet pas de capter le fossé qu’il y a entre les ménages qui auront plus épargné qu’à l’habitude pendant la crise et ceux qui auront au contraire dû puiser dans leur épargne pour faire face à leurs dépenses courantes, sans oublier ceux pour lesquels le niveau d’épargne négatif se sera encore accru.