
La question du dividende
La recommandation ressemble fortement à une injonction. Vendredi dernier, la Banque centrale européenne a demandé aux institutions financières de ne pas payer de dividende.
Si elles décidaient de le faire malgré tout, elles sont priées de se justifier auprès de leur organe de contrôle. Pas de dividende pour les actionnaires des banques cette année donc... ou au moins jusqu’en octobre 2020. Car au-delà, rien n'est précisé.
Raison invoquée pour le non-versement : « renforcer la capacité des banques à absorber les pertes et soutenir les prêts aux ménages, aux petits commerces et aux entreprises pendant la pandémie du coronavirus (COVID-19). » Les banques sont donc priées de s’abstenir de rémunérer les actionnaires cette année. Et même recommandation pour les programmes de rachat d’action. Ce mécanisme qui consiste littéralement à racheter ses propres actions, souvent dans le but de soutenir son cours de Bourse, doit être suspendu.
Verser un dividende ou utiliser sa trésorerie pour racheter ses actions, plutôt que de se créer une réserve pour faire face aux pertes et soutenir l’économie, serait en effet particulièrement mal vu. Mais ce versement serait d’autant plus indécent que ces dernières semaines, la Banque centrale européenne a été particulièrement généreuse avec les institutions européennes : annonce d’un nouveau programme d’assouplissement quantitatif, baisse du taux de financement à long terme et assouplissement des règles de capital.
Pour faire simple, la BCE va injecter massivement des liquidités dans le marché, permettre aux banques de se financer au taux de -0,75% (c’est-à-dire les payer pour emprunter) et diminuer les exigences de capital (pour chaque prêt accordé, la réserve exigée en cas de défaut est abaissée). Ajoutons que cette dernière mesure veut aussi dire que les banques seront techniquement plus risquées puisqu’elles mettront moins de côté pour se prémunir d’un risque de défaut de crédit.
Verser un dividende aujourd’hui reviendrait donc à utiliser les aides de la BCE pour rémunérer ses actionnaires, au risque de manquer de réserves et de perturber encore plus l’économie.
Message reçu chez plusieurs institutions, dont KBC et ING, qui ont annoncé la suspension de leur dividende. Plusieurs autres banques sont revenues sur leur annonce de dividende. Reste BNP Paribas (la maison-mère française), qui avait annoncé fin mars qu’elle maintiendrait son dividende histoire de « ne pas décourager les investisseurs ». Cette semaine, elle a d’ailleurs réclamé à sa filiale belge (BNP Paribas Fortis, donc) le versement d’un dividende de près de 2 milliards d’euros, soit la quasi-totalité de son bénéfice 2019. Venant d’une banque qui ne brille pas particulièrement en termes d’éthique, c’est chic.
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