La réforme fiscale des rentiers

16/01/2025 (h)

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Financité

Quelle est la justification légale et économique d’un maintien d’exonérations fiscales pour les ménages les plus aisés, qui n’ont pas besoin de tels incitants pour épargner ou investir ?

Les négociateurs du futur gouvernement discutent toujours de la modification de la fiscalité de l’épargne. Deux propositions de loi sont par ailleurs actuellement sur la table. Portées par l’Open-VLD et la N-VA, il s’agit, en résumé, de propositions de globalisation de l’imposition des revenus d’épargne et d’investissement et de mise en place d’une seule exonération générale pour tous ces types de revenus.

Dans l’état actuel de la législation, les intérêts produits par les dépôts d’épargne sont exonérés fiscalement jusqu’à un montant de 1.020 euros (pour l’exercice d’imposition 2025), au-delà duquel ils sont taxés au taux de 15 %. En revanche, les revenus que rapportent les placements dans des fonds d’investissement, les obligations ou les actions sont taxés en principe dès le premier euro au taux standard de précompte mobilier de 30 %. D’autres exonérations spécifiques de revenus mobiliers sont prévues comme l’exonération de la première tranche de 833 euros de dividendes ou l’exonération de la première tranche de 200 euros d’intérêts alloués par une société agréée comme entreprise sociale.

Une inégale détention des actifs financiers

Les ménages belges détenaient 18,146 millions de comptes d’épargne réglementés fin 2023. Cela ne veut toutefois pas dire que tous les ménages détiennent un compte d’épargne : selon la troisième enquête « Household Finance and Consumption Survey », 25% des ménages belges ne disposaient pas de compte d’épargne en 2017.

Selon les chiffres de la Banque nationale de Belgique, si le dépôt moyen sur les comptes d'épargne est de 22.631 euros, le montant médian n’est que de 5.360 euros. 30 % des déposant·e·s n’ont pas plus de 1.000 euros sur leur compte, 19 % ont entre 1.001 et 5.000 euros et 10 % entre 5.001 et 10.000 euros. 59 % des petit·e·s épargnant·e·s (jusqu’à 10.000 euros de dépôts) ne possèdent que 5 % du total des dépôts quand 8 % des épargnant·e·s ont plus de 75.000 euros et détiennent ensemble la moitié du total des placements sur les livrets.

Les investissements dans des actifs plus risqués ou plus sophistiqués sont essentiellement le fait des ménages affichant des niveaux de richesse et de revenu plus élevés. Selon une étude sur la répartition du patrimoine des ménages belges publiée par la BNB en date du 8 janvier 2024, les 10 % des ménages les plus nantis détiennent 79 % des actions cotées. Seuls 41 % des ménages détiennent un plan de pension volontaire ou un contrat d’assurance-vie. La proportion de ménages ayant investi dans des fonds communs de placement est encore plus faible : 23 %.

Les ménages dont la capacité d’épargne et d’investissement est limitée, voire inexistante, ne tirent que peu ou aucun bénéfice des exonérations fiscales actuelles pour les revenus d’épargne. De tels avantages fiscaux s’adressent aux ménages disposant de revenus suffisamment élevés pour être en mesure d’épargner ou d’investir.

Ce constat soulève une question fondamentale : quelle est la justification légale et économique d’un maintien d’exonérations fiscales pour les ménages les plus aisés, qui n’ont pas besoin de tels incitants pour épargner ou investir ? Cette interrogation prend d’autant plus de poids lorsque l’on considère le coût considérable de ces mesures pour l’État belge.

Dans ce contexte, une réforme de la fiscalité applicable à l’épargne et à l’investissement s’impose. Celle-ci devrait impérativement s’appuyer sur les données économiques susmentionnées, dans un souci d’équité fiscale pour l’ensemble des contribuables et de préservation des finances publiques.

Recommandations de Financité

Financité défend le principe de la globalisation des revenus à l’impôt des personnes physiques (« IPP »), afin qu’ils soient taxés de la même manière, en étant soumis au barème progressif de l’impôt. De la sorte, on diminue la pression fiscale sur le travail en faisant davantage contribuer les plus fortuné·e·s.

Si la proposition de base de globalisation de tous les revenus n’est pas une option envisageable pour le futur gouvernement, notamment en raison du contexte politique actuel et du besoin de discussions d’une réforme plus conséquente pour de telles ambitions de réforme, Financité suggère alors de suivre la proposition de globalisation limitée aux revenus mobiliers de l’épargne et de l’investissement. Dans ce cas toutefois Financité préconise de (i) ne pas prévoir d’exonération et (ii) augmenter le taux du précompte mobilier (actuellement de 30 %, soit largement inférieur aux taux d’imposition du barème progressif à l’IPP).

Financité recommande en outre l’adoption des mesures suivantes dans le cadre des réflexions autour de la fiscalité de l’épargne :

  • Suppression d’autres taux réduits au précompte mobilier : En Belgique, le taux standard du précompte mobilier sur les dividendes est de 30 %, mais il peut être réduit dans certaines situations pour les PME. Il s’agit de régimes fiscaux spécifiques favorisant le passage de dirigeant·e·s en sociétés de management. Les deux propositions de loi soumises à avis se focalisent sur les exonérations de précompte mobilier. Il nous paraît opportun d’étendre la réflexion de la taxation des revenus de l’épargne et de l’investissement aux autres incitants fiscaux que sont les taux réduits de précompte mobilier pour certaines PME,
  • Création d’un compte épargne populaire : Afin d’inciter l’épargne des personnes à faible revenu (maximum 25.000 euros par an pour une personne seule), Financité suggère la création d’un compte épargne populaire avec un taux garanti qui préserverait la valeur des économies des personnes concernées,
  • Simplification du compte d’épargne concernant les taux : Financité plaide aussi pour la suppression de la prime de fidélité et l’instauration d’un taux unique pour les comptes d’épargne. Quand un ménage a besoin de retirer des sommes de son compte d’épargne plusieurs fois par an pour payer des factures non récurrentes ou faire face à une dépense imprévue, il ne peut pas trop compter sur la prime de fidélité.

 
Pour aller plus loin

Avis de Financité à la Commission des Finances et du Budget de la Chambre des Représentants sur la fiscalité de l'épargne

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