En Belgique, la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base1 a consacré le droit pour tout consommateur au service bancaire de base. Désormais, tout établissement de crédit opérant en Belgique doit offrir un service bancaire pour un prix de 12 euros par an, sous peine d’être passible de sanctions pénales.
L’établissement de crédit a le choix d’offrir un S.B.B. avec ou sans mise à disposition d’une carte de débit destinée uniquement à l'utilisation en Belgique et limitée ou non aux automates privatifs de l'établissement qui gère le compte, ou les deux.
Le S.B.B. sans carte de débit doit comprendre les services suivants :
- l’ouverture, la gestion et la clôture d'un compte à vue ;
- la mise à disposition de virements pouvant être effectués à la main et également de façon électronique en fonction de l'établissement de crédit ;
- la possibilité d'effectuer des ordres permanents de paiement et de domicilier des factures ;
- la possibilité d’effectuer des dépôts en Belgique ;
- la possibilité d'effectuer des retraits en Belgique au guichet (72 opérations manuelles de débit par an) ;
- la mise à disposition électronique des extraits de compte en Belgique (lorsqu'il n'y a pas de mise à disposition électronique d'extraits de compte, des extraits de compte sont au moins mis à disposition tous les quinze jours au bureau de domiciliation ou à l'agence) ;
Le S.B.B. avec carte de débit doit comprendre les services suivants :
- l’ouverture, la gestion et la clôture d'un compte à vue ;
- la mise à disposition de virements pouvant être effectués à la main et également de façon électronique en fonction de l'établissement de crédit ;
- la possibilité d'effectuer des ordres permanents de paiement et de domicilier des factures ;
- la possibilité d’effectuer des dépôts en Belgique ;
- la possibilité d'effectuer des retraits en Belgique au guichet (36 opérations manuelles de débit par an) ;
- la possibilité d'effectuer des retraits par voie électronique ;
- la mise à disposition électronique des extraits de compte en Belgique (lorsqu'il n'y a pas de mise à disposition électronique d'extraits de compte, des extraits de compte sont au moins mis à disposition tous les quinze jours au bureau de domiciliation ou à l'agence)
Les conditions d’octroi du service bancaire de base en sont les suivantes :
Le demandeur doit agir dans un but pouvant être considéré comme étranger à ses activités commerciales, professionnelles ou artisanales et doit avoir sa résidence principale en Belgique.
Il ne peut en outre déjà bénéficier d’un service bancaire de base, d’un compte à vue ou d’autres produits liés auprès d’un établissement de crédit, sauf si ces produits liés sont d’autres comptes dont le solde cumulé moyen ne dépasse pas 2.500€ (les garanties locatives relatives à un logement de résidence principale n’étant pas prise en compte dans le calcul des 2.500€) ou si il s’agit d’assurances.
Le demandeur peut enfin se voir refuser l’octroi du service bancaire de base en cas d’escroquerie, d’abus de confiance, de banqueroute frauduleuse, de faux en écriture ou de blanchiment de capitaux.
La loi prévoit également que le formulaire de demande contienne une déclaration par laquelle le consommateur confirme qu’il ne dispose pas encore d’un service bancaire de base ou d’un compte à vue.
Par ailleurs, la Belgique a également traduit la directive européenne relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux2 en droit interne en adoptant la loi relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme3.
Celle-ci impose aux établissements de crédit et aux succursales en Belgique d'établissements de crédit de droit étranger une obligation légale d’identifier leurs clients et de vérifier leur identité au moyen d'un document probant dont il est pris copie lorsqu’ils nouent des relations d'affaires qui feront d'eux des clients habituels.
Aucun régime spécial n’ayant été prévu par le législateur à l’égard du service bancaire de base, celui-ci tombe sous l’application de la loi au même titre que tout compte à vue classique.
Or, en exécution de la loi, les modalités de cette obligation d’identification incombant aux établissements de crédits ont été fixées par la Commission bancaire, financière et des assurances par voie de règlement4.
Ledit règlement précise que, lors de l'identification face-à-face des clients qui sont des personnes physiques, la vérification de leur identité doit être opérée au moyen de leur carte d’identité.
S'il s'agit de personnes physiques qui résident à l'étranger5, la vérification peut également être opérée au moyen de leur passeport.
Par contre, lorsqu’il s’agit de personnes de nationalité étrangère établies en Belgique qui, en raison de leur statut légal sur le territoire belge, ne disposent pas d’une carte d’identité délivrée par les autorités belges, le règlement prévoit que la vérification de leur identité peut être opérée au moyen de leur certificat d'inscription au registre des étrangers en cours de validité, ou, lorsqu'ils n'en disposent pas en raison de leur statut, au moyen du document en cours de validité émis par les autorités publiques belges qui atteste de la légalité de leur séjour en Belgique.
A la lecture de ce texte, on pourrait penser que les documents auxquels le règlement fait allusion sont cités à titre exemplatif, les établissements de crédits demeurant libres par ailleurs de vérifier l’identité des personnes susmentionnées en ayant égard à d’autres documents officiels sur lesquels figurent une photographie et une signature (tels qu’une carte nationale d’identité ou un passeport), à l’instar de ce qui se fait en France6.
Il n’en pourtant rien.
En effet, la Commission bancaire, financière et des assurances7 a défini sans équivoque la portée du règlement au moyen d’une circulaire datant du 12 juillet 2005 :
Celle-ci précise8 que les documents en cours de validité émis par les autorités publiques belges qui permettent d’attester de l’identité d’une personne étrangère désireuse d’ouvrir un compte en banque sont les suivants:
- Une carte d’identité belge,
- Un certificat d’inscription au registre des étrangers,
- L’« annexe 26 », soit le document délivrée par les autorités belges attestant de ce que l’étranger a procédé à une déclaration de réfugié ou a une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, valable 8 jours à dater de sa délivrance, l’ « annexe 26 bis », soit le document attestant de la décision officielle de refus de séjour et avec ordre de quitter le territoire qui a été délivrée à un étranger par les autorités belges.
- Une personne étrangère résidant en Belgique ne disposant pas de l’un ou l’autre de ces documents – en d’autres mots, une personne en séjour irrégulier qui n’aurait pas entrepris de telles démarches – ne sera donc jamais en mesure de fournir à l’établissement bancaire le document requis sur lequel celui-ci doit « appuyer » la vérification d’identité qu’il est légalement tenu d’opérer !
En somme, le respect par les établissements de crédit des obligations qui leur incombent en vertu de dispositions édictées dans le but louable « de prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et de lutter contre le terrorisme » a pour effet indirect d’exclure les personnes en séjour irrégulier de tout accès au service bancaire de base.
La lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme justifie-t-elle qu’une exception soit faite au droit pour tout consommateur au service bancaire de base ?
L’objectif poursuivi par la directive européenne ne pourrait-il pas être atteint si l’on assouplissait quelque peu les preuves d’identité requises lorsqu’il s’agit d’ouvrir un compte service bancaire de base, sachant que le bénéficiaire d’un tel compte ne peut de toute façon pas y déposer plus de 2.500€ en moyenne par an ?
A l’heure où l’accès aux services financiers est unanimement proclamé comme un droit fondamental et un facteur d’insertion sociale, il semble indispensable qu’il soit clairement répondu à ces interrogations….
Lise Disneur
Septembre 2005