Aux rayons du dumping et du greenwashing social

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15/06/2010
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Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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La grande distribution n'a de cesse de vanter les prix les plus bas tout en maintenant un écran de fumée sur les impacts notamment sociaux de ses pratiques.

En bref

  • Lidl est le premier à apprendre à ses dépens que l’écran n’est jamais total.
  • Le BSCI ou l’illusion du socialement responsable.

Le 6 avril 2010, Lidl faisait l’objet d’une plainte pour publicité mensongère. La plainte était déposée par une importante organisation de consommateurs allemande et portait sur les affirmations de Lidl en matière de respect des droits des travailleurs dans ses filières d’approvisionnement,notamment en vêtements. La plainte se fonde sur une enquête menée auprès de quatre fournisseurs de Lidl au Bangladesh, en collaboration avec la Campagne Vêtements Propres. Cette enquête a démontré des infractions de Lidl vis-à-vis non seulement de son code de conduite de référence, mais aussi vis-à-vis de la législation nationale de ce pays : congés payés de maternité (4 mois) non respectés, répression du droit de s’associer en syndicat, falsification dans le calcul des salaires, punitions et harcèlement physique, travail sept jours sur sept et non respect des congés payés légaux (12 jours annuels)en sont quelques exemples. Lidl a rapidement réagi à la plainte et a négocié un accord avec les plaignants au terme duquel il s’engage à ne plus affirmer aux consommateurs crédules qu’il respecte les droits des travailleurs dans ses filières ni à faire référence dans ce cadre à la Business Social Compliance Initiative (BSCI).

BSCI, quésaquo ?

Pour optimiser leur position sur leur marché, beaucoup d’entreprises, en particulier des distributeurs, cherchent à se doter d’une image d’acteur socialement responsable sans, dans les faits, assumer cette responsabilité dans leurs filières d’approvisionnement. C’est ce qu’on appelle le greenwashing social. Business Social Compliance Initiative est l’une des organisations qui fournit l’écran de fumée le plus couru ! Elle rassemble un nombre considérable d’enseignes de la distribution autour de son code de conduite et de son objectif annoncé de respect de conditions de travail correctes dans les filières d’approvisionnement. Comme instrument central et quasiment unique de sa démarche, elle promeut le contrôle des unités de production par le biais d’audits sociaux réalisés par les sociétés commerciales. La BSCI n’est pas transparente. Elle se fonde sur une démarche unilatérale et sans participation aux audits d’autres parties prenantes telles que les représentants des travailleurs concernés. Par ailleurs, les entreprises qui en sont membres ne s’engagent pas à respecter son code. En fait, l’objectif de la BSCI semble bien plus de prévenir toute velléité de régulation contraignante en matière de responsabilité de filière que de contribuer réellement à l’amélioration des conditions de travail. Entre 2006 et 2009, Lidl a ainsi fait réaliser quelque 7 500 audits de fournisseurs (vous lisez bien sept mille cinq cents !). Les conditions de travail ont-elles été améliorées pour autant ? Faute d’une information correcte et vérifiée, rien ne permet de le dire. L’enquête réalisée permet quant à elle d’affirmer que ces conditions restent très mauvaises.

La course au prix le plus bas

L’objectif des chaînes de supermarché est d’augmenter à tout prix le chiffre d’affaires et, pour de plus en plus de sociétés du secteur, augmenter les liquidités et les produits financiers. L’activité économique première des distributeurs (la vente de produits de consommation de masse) se limite de plus en plus à un moyen de lever un maximum de fonds qui, une fois placés, doivent générer un profit maximum. Ces conditions se répercutent inévitablement sur les fournisseurs : maintien des salaires à un niveau scandaleusement bas, heures supplémentaires obligatoires, retards dans le paiement des salaires, etc. Petit exemple : en 2008, Carrefour Belgium déclare 46 millions d’euros de bénéfice d’exploitation (généré par son activité économique) contre 62,5 millions de produits financiers (générés en grande partie par ses placements de trésorerie de 1,633 milliards l’euros (1)). Toujours en 2008, le centre de coordination de Carrefour (sorte de banque interne du groupe international, basée en Belgique) a généré pas moins de 1,18 milliard d’ euros de produits financiers. La logique économique cède ainsi la place à une logique financière, voire spéculative.

Les délaissés de l’autre bout de la chaîne

Le Bangladesh est un important pays d’approvisionnement pour les géants de la distribution et pour les discounters. Les salaires pratiqués là-bas ne permettent pas une vie décente. Une étude réalisée pour la Campagne Vêtements Propres montre que les salaires pratiqués dans ce secteur industriel sont très loin de couvrir les dépenses de base d’une famille. Près de 80 % des opératrices de machine à coudre touchent moins de 4 000 takas par mois (44 euros), heures supplémentaires comprises, alors qu’elles doivent en moyenne en dépenser 4 730 pour leur seule subsistance, sans compter celle de leurs enfants. Le salaire des travailleuses de la confection ne compte que pour une partie dérisoire du prix final du vêtement (de l’ordre de 1 %). Doubler, tripler ce salaire n’aurait qu’un impact infime sur les prix au consommateur. Cela ne semble pas jusqu’ici constituer une priorité pour les grands distributeurs.

1. Selon les comptes publiés à la Banque nationale de Belgique et disponibles sur le site de la Centrale des bilans.

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