Banques de dépôt VS banques d'affaires

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29/09/2012
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Épisode 3

Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

Type de document: 

Séparer les banques de dépôt et d'investissement semble être la solution évidente pour prémunir les petits épargnants de la crise et empêcher qu'ils ne soient atteints par les déboires de leurs établissements financiers. Si tout le monde est d'accord, qu'attend-on ?

En bref

  • La séparation des métiers bancaires semble une évidence.
  • C'était déjà le cas avant.
  • Aujourd'hui, des clients, des syndicats, des banquiers opposent leurs arguments.

On est mariés

Les banques ont beaucoup de fonctions différentes. Toutes liées à l'argent. Elles reçoivent des capitaux que des clients mettent en dépôt et accordent des prêts. C'est le métier de base de la banque, qu'on nomme tout naturellement banque de dépôt. À côté de ça, les banques d'investissement mènent toute une série d'autres activités sur les marchés financiers : elles émettent des emprunts obligataires, s’occupent d'introduction en Bourse, gèrent les fusions-acquisitions ...

On se sépare ... mais non

Le mélange des genres n’est pas une nouveauté. Dans l'Amérique d'avant le krach de 29, c'était déjà le cas. Après la crise, le législateur étasunien a lancé le Glass-Steagall Act. Cette loi a instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement. La loi a été abrogée en 1999. En Belgique, les banques mixtes ont pris fin en 1935, lorsqu'un arrêté a imposé que les actions d'investissement soient placées dans un holding ou société de portefeuille. Depuis 1975, une loi a rapproché le statut des banques et celui des caisses d’épargne privées et, depuis 2004, les banques peuvent également traiter des activités d'assurances.

Et finalement ?

À nouveau, de nombreuses voix s'élèvent en faveur de la séparation des métiers bancaires. Pour n'en citer que quelques-uns, Paul Volckers ( conseiller du président Obama et ex-président de la Réserve fédérale ) ou Mervyn King, gouverneur de la banque d'Angleterre, sont du même avis. En Belgique, la commission spéciale chargée d’examiner la crise financière et bancaire en 2009 a notamment recommandé la réintroduction d’une séparation claire entre la banque de dépôt et la banque commerciale. Au niveau européen, un groupe de travail rendra son rapport en octobre. Mais d'ici là, le lobby de l'industrie financière fait rage (1).

Qu'est-ce qui bloque ?

Pour les détracteurs de la séparation, plusieurs arguments sont mis en avant. L'imbrication totale des systèmes financiers rend quasiment impossible techniquement la séparation. Le coût du crédit aux particuliers et aux entreprises risque de fortement augmenter car les banques retirent principalement leurs bénéfices de leurs activités d'investissement. Enfin, certains avancent que la séparation n'y changera rien. Ils rappellent que Lehman Brothers, la première banque à avoir fait faillite était purement une banque d'investissement. A contrario, des banques comme Northern Rock qui ont connu de grandes difficultés étaient strictement des banques de dépôt. Or c'est précisément parce que des banques de dépôt ont prêté à des banques d’investissement que la crise financière s'est propagée à l'ensemble de la planète. Très logiquement, une interdiction de cette pratique éviterait aux banques de détail de se trouver en difficulté à cause d’investissements réalisés pour fonds propres dans des produits hautement risqués. À tout prendre, les anti-séparatistes verraient plutôt des banques universelles, soit des grosses structures qui proposent l'ensemble des services mais qui soient suffisamment grosses pour supporter les chocs financiers et pour lesquelles on aura renforcé les règles prudentielles ( voir p.7 ) pour éviter que les activités d'investissement de la banque ne viennent mettre en péril les activités de dépôt. Parmi ces anti-séparatistes, on trouve les banques, bien sûr, mais également les clients parfois ( les grandes entreprises, p. ex. ) car ils bénéficient de ces montages. Leurs dépôts peuvent servir de garantie pour des opérations de marchés qui couvrent leurs financements. Et les syndicats (2) eux-mêmes s'opposent à la séparation, craignant les pertes d'emplois au sein du secteur. En Angleterre, le rapport Vickers préconise une « simple filiarisation » entre banque de dépôt et banque d'investissement d'une même banque. C'est d'ailleurs dans cette voie que s'engagera la Grande-Bretagne à partir de ... 2019. D'autres voudraient aller plus loin et revenir à une séparation stricte telle que l'exigeait le Glass-Steagall Act, où les actionnaires de la banque de dépôt et de la banque d'investissement d'une même banque doivent être totalement différents. Aux États-Unis, la loi Dodd-Frank prévoit, entre autres, d'interdire aux banques de spéculer pour leur compte propre. Mais les lobbyistes et l'inventivité des financiers pour créer de nouveaux produits semblent fortement freiner son application. La spéculation, l'instabilité des marchés existeront probablement toujours. Par contre, le minimum que l'on puisse demander est que les spéculateurs ­ qui réalisent leurs investissements en toute connaissance de cause ­ supportent à eux seuls les risques qu'ils prennent et que les pertes qu'ils réalisent ne pénalisent pas les autres activités classiques de dépôt et de crédit. Actuellement, les lobbys financiers en Europe et aux États-Unis font tout leur possible pour que la séparation stricte des métiers ne se résume qu'à l'interdiction de quelques activités financières spécifiques très risquées au sein des banques universelles. Il est à parier que toute la négociation se trouve dans la définition d'« activités financières spécifiques très risquées ».


1. François Hollande, à la veille de son élection, promettait la séparation des banques. Depuis son élection et la levée de boucliers des banquiers français, il a fait marche arrière.
2. Les syndicats français, par exemple.

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