Centrale des crédits aux particuliers : quels élargissements souhaitables pour une meilleure prévention du surendettement ?

06/2009
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Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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À l'heure où les fichiers négatifs sont présentés comme la panacée pour lutter contre le surendettement par les prêteurs, portons un regard pragmatique sur ce qui pourrait être amélioré dans l'actuelle Centrale des crédits aux particuliers (CCP).

Centrale des crédits aux particuliers : quels élargissements souhaitables pour une meilleure prévention du surendettement ?

À l'heure où les fichiers négatifs sont présentés comme la panacée pour lutter contre le surendettement par les prêteurs, portons un regard pragmatique sur ce qui pourrait être amélioré dans l'actuelle Centrale des crédits aux particuliers (CCP).

Introduction

La Centrale des crédits aux particuliers est un excellent outil de prévention du surendettement. Elle améliore en partie la qualité de l'information disponible pour les prêteurs dans la phase pré-contractuelle et, par le jeu de financement et d'alimentation du Fonds de Traitement du Surendettement, elle pousse tous les acteurs dans le sens d'une plus grande responsabilité dans leurs pratiques. Vous trouverez dans ces lignes quelques pistes d'élargissement qui pourraient selon nous en améliorer la performance en matière de prévention.

Les fichiers négatifs informent sur le risque, pas sur la capacité de remboursement

Pour réduire le risque de défaillance de son client, un fournisseur peut soit développer des produits et services que l'on acquiert par du pré-paiement (ce qui se développe en téléphonie, notamment), soit chercher des informations susceptibles de le renseigner sur le risque et sur la capacité financière que son client représente (enquête / questionnaire / ...). L'approche la plus commune est la constitution et la consultation de listes « noires », afin d'éviter, dans un premier temps, de servir un client déjà endetté auprès du fournisseur même, ou auprès d'autres, dans la mesure ou des échanges d'information seraient organisés entre fournisseurs (via un fichier centralisé, par exemple), et ce, dans le respect de la protection de la vie privée.

 

Ce qu'il faut garder à l'esprit, dans ce contexte, c'est que l'information contenue dans les fichiers négatifs ne traite pas de la capacité budgétaire : on n'apprend rien quant à la capacité financière du client à faire face à ses engagements futurs. Le seul apport réel d'un fichier centralisé de dettes, c'est, lorsqu'il est géré de manière adéquate, de garantir la véracité et l'exhaustivité de l'information recueillie, comparativement aux réponses qu'aurait fournies le consommateur lors de l'enquête de solvabilité.

 

Les fichiers négatifs ne sont donc pas la panacée ; la gestion adéquate d'un fichier centralisé est extrêmement délicate et lourde à mettre en oeuvre, et un échange généralisé d'information entre fournisseurs peut gravement nuire à la protection de la vie privée.

 

Les fichiers interconnectés entraînent des exclusions en chaîne

Un autre élément de risque lié à la multiplication des fichiers négatifs et de leur consultation partagée consiste en l'exclusion en chaîne que cela peut provoquer, entre le téléphone, l'énergie, le crédit, le logement, ce qui anéantit totalement le principe de proportionnalité que la violation de la vie privée doit satisfaire. Peut-on dès lors imaginer une société dans laquelle une dette puisse entraîner une exclusion en chaîne (sur la base de données potentiellement erronées ou contestées) et limiter l'accès à des services et biens essentiels ? Rappelons-nous que les opérateurs, en téléphonie, en immobilier, en énergie... disposent de nombreux moyens pour limiter de manière substantielle le risque sans recourir à des fichiers : mise sur le marché de produits prépayés, politique précise de traitement des impayés et protection sociale (énergies), enquête proportionnée pour les propriétaires,... Les risques liés à une prolifération des fichiers ne semblent pas à ce jour justifier leur mise en oeuvre.

Pourquoi être globalement contre l'élargissement de la Centrale des crédits ?

Les éléments précédemment cités sont absolument fondamentaux pour limiter la multiplication des fichiers négatifs ainsi que leur interconnexion.

Les opérateurs qui veulent s'assurer de la solvabilité de leurs clients disposent de moyens divers pour arriver à leurs fins. Par un questionnaire relatif à leur budget (revenus et postes principaux de dépenses) et la collecte des pièces justificatives, par une déclaration sur l'honneur de la véracité de l'information, il est possible de mener à bien une analyse de solvabilité solide. C'est ce que font au quotidien de nombreux professionnels autres que les prêteurs, et c'est ce que faisaient de tout temps les prêteurs avant la mise en place de fichiers centralisés.

 

Dans ces conditions, il est préférable de limiter la création de fichiers centralisés aux informations qui ne pourraient être obtenues par aucun autre moyen de manière satisfaisante. La non-prolifération des fichiers centralisés est, quant à elle, un gage de protection contre les exclusions en chaîne.

,érées et certaines : le droit de contestation doit pouvoir être exercé préalablement, sans quoi un fichage négatif représenterait une sanction avant tout droit de recours. N'oublions pas qu'un fichage négatif peut, dans certaines situations, provoquer de graves troubles dans la vie d'un citoyen.
À ce jour, il existe encore de trop nombreuses pratiques douteuses dans certaines industries pour considérer une facture impayée comme élément certain et légitime de l'existence d'une dette susceptible d'intégrer un fichier centralisé.

  • Complètes : en soi, un fichier centralisé n'a véritablement de sens que s'il couvre l'ensemble du marché considéré, car de cette manière il apporte une véritable plus-value qualitative par rapport à l'information qui peut être obtenue par d'autres moyens. Un autre argument en faveur du caractère exhaustif du fichier et, donc, de la participation de tous les fournisseurs concernés, repose sur les risques de distorsion d'information et donc de concurrence que cela pourrait entraîner.
  • À jour : la mise à jour de l'information est essentielle. Rappelons qu'à ce jour, au niveau des crédits, les montants des encours ne sont toujours pas rafraîchis, pas même une fois par an, ce qui réduit d'autant la précision de l'image de l'endettement que le fichier donne. Si l'enregistrement d'une dette ne prend pas en compte les arrangements subséquents, les plans d'apurement établis et les soldes actualisés des dettes, l'image de l'endettement est alors tellement déformante que son usage en devient délicat.

Dans ce cadre, on peut considérer que le fichier de la Centrale des crédits aux particuliers répond à ces critères, mais qu'il existe encore des marges de progrès, tant sur le plan de l'exhaustivité que sur celui de la mise à jour.

Exhaustivité et fichier des crédits non régis

La quasi-totalité des crédits aux particuliers est enregistrée dans la Centrale des crédits aux particuliers... mais il manque encore... ceux qui ne sont pas régis par la loi relative au crédit à la consommation.

En effet, les crédits à la consommation destinés aux particuliers dont les montants (inférieurs à 200 € ou 1 250 € selon le type) ou les durées (inférieures à 3 mois) les font sortir du cadre légal organisant leur fichage, qu'il soit positif ou négatif.

Par ailleurs, la CCP ne reprend pas non plus les dépassements non autorisés en compte courant, ni les contrats de leasing conclus par des personnes physiques, alors qu'ils représentent également des engagements financiers dont la présence impacte directement la solvabilité des Clients.

Toutefois, un tel fichier, complété dans son volet négatif, existe d'ores et déjà, et est alimenté par un peu moins de 90 prêteurs. Développé historiquement par l'Union des professionnels du crédit avant la mise en oeuvre de la CCP par la Banque nationale, il n'a toujours pas été incorporé à cette dernière. L'industrie n'y est pas favorable dans la mesure où le volet positif est particulièrement important, comparativement au volet négatif. Toutefois, les raisons pour lesquelles nous sommes favorables à son intégration sont les suivantes :

  • cet élargissement aurait pour avantage d'uniformiser le niveau d'information de l'ensemble des prêteurs (puisque tous à ce jour ne l'alimentent pas ni ne le consultent), ce qui aurait un impact sur la qualité concurrentielle du marché ;
  • les dépassements non autorisés en compte, lorsqu'ils perdurent, représentent également un indicateur significatif des tensions qui existent en matière de trésorerie et sont un signal d'un potentiel déséquilibre budgétaire ;
  • à terme, l'analyse de ce fichage spécifique permettra de vérifier dans quelle mesure il est révélateur de situations de surendettement et permettra d'envisager des améliorations concrètes de sa mise en oeuvre et de son encadrement ;
  • les analyses développées par la CCP dans son rapport annuel pourraient donc être plus approfondies et plus efficaces dans la lutte contre le surendettement – lutte qui a motivé au départ la mise en oeuvre d'un tel fichier.

La directive européenne en matière de contrats de crédit aux consommateurs élargit pour une part importante le champ d'application (découvert en compte) et sa transposition en droit belge devrait dès lors aller dans le sens suggéré ci-devant.

Exhaustivité et type d'opérateurs

Les courtiers et intermédiaires de crédits jouent un rôle prépondérant sur le marché du crédit et leur responsabilité a été renforcée par le cadre législatif.

Dans une optique de bonne gouvernance et pour induire des comportements plus responsables de la part de ces intervenants spécifiques, il nous semblerait souhaitable que leur présence soit, le cas échéant, notifiée dans la CCP et qu'ils puissent la consulter au même titre que les prêteurs.

 

Parmi les éléments positifs recherchés, citons notamment :

  • la réduction d'une distorsion de concurrence par rapport aux prêteurs : parmi les intermédiaires, certains sollicitent leurs clients afin qu'ils leur fournissent un extrait de leur fichage. De cette manière, ils obtiennent gratuitement une information qui est payante pour le prêteur ;
  • la réduction d'une asymétrie d'information : dans les cas précités, l'information obtenue par les intermédiaires est plus complète, puisqu'elle provient de l'extrait du fichier fournit aux personnes, et que celui-ci est plus détaillé. Il indique notamment le nom des prêteurs;
  • la capacité de comparer les pratiques de ces derniers et leur présence respective et relative dans les situations de surendettement ;
  • la capacité d'améliorer le financement de la Centrale en leur octroyant un accès payant, au même titre que l’accès des prêteurs.

En guise de conclusion

Dans le paysage belge actuel, avec la CCP et le futur fichier central des saisies, les prêteurs belges disposeront d'une source d'information inégalée en termes de qualité et d'exhaustivité quant à la défaillance financière de personnes en demande de crédit.

 

Il nous semble plus que raisonnable à ce jour de travailler à l'amélioration des fichiers en place plutôt qu'aux développements de nouveaux. Une fois le fichier central des saisies opérationnel, il serait utile prévoir une étude d'impact de ces deux fichiers sur le marché du crédit et surtout, sur le surendettement.

 

En complément de ces indicateurs de risque, nous invitons les prêteurs à poursuivre le développement d'outils performants susceptibles de répondre à la nécessaire analyse de solvabilité dans un contexte industriel. Analyse qui doit pouvoir intégrer de manière plus appropriée les réalités économiques et sociales contemporaines – la stabilité en matière de revenus, de vie de couple..., perd du terrain alors qu'une part importante des mesures de risques tourne autour de ce concept. L'approche des références budgétaires, l’approche des questionnaires budgétaires types à remplir..., sont autant d'ouvertures à une approche plus responsabilisante de l'activité de crédit, et ce, tant pour le consommateur que pour le prêteur.

 

Le développement de nouveaux fichiers négatifs qui leur seraient accessibles risquerait de maintenir une approche fallacieuse de l'analyse crédit, en concentrant l'exercice sur la mesure de risque plutôt que sur la solvabilité.

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