
En bref
- Des initiatives éthiques et solidaires existent depuis longtemps.
- Elles doivent maintenant être reconnues juridiquement.
Il existe une finance réelle, soumise à l’intérêt général qui voudrait traiter tout produit financier non plus uniquement sous l’angle de la rentabilité financière mais en y adjoignant des considérations éthiques et de solidarité.
De l’éthique...
Ces notions d’éthique et de solidarité appliquées à la finance ne datent pas d’hier. Historiquement, l’éthique est d’abord essentiellement
religieuse. Après la crise de 1929, des congrégations religieuses protestantes ont créé des fonds exempts d’actions de firmes touchant aux domaines de l’alcool, des jeux de hasard, du tabac et de l’armement. Ces actions étaient qualifiées d’« actions du péché ». Plus tard, les mouvements citoyens des années 1970 ont donné naissance à une véritable conscience publique au sujet des problèmes sociaux, environnementaux et économiques.
… à la solidarité
La composante solidaire est née au XIXe siècle. Des ouvriers se sont associés en coopératives pour avoir accès à des biens de première nécessité tels que le pain, qu’ils voulaient acheter de qualité et à un prix juste. En Allemagne, le bourgmestre Raiffeisen crée
une coopérative pour aider les agriculteurs à conserver leurs biens. Au tout début, l’association achète le bétail nécessaire pour le
céder ensuite aux exploitants sur plusieurs années et à un taux modéré. Ce modèle va évoluer jusqu’à devenir une caisse de crédit
où les débiteurs doivent devenir membres de l’association pour emprunter. La deuxième forme de crédit populaire est davantage urbaine. Dès 1864, apparaissent en Belgique des banques populaires et des associations de crédit mutuel, puis des sociétés d’assurance et d’épargne. Elles ont comme objectif de permettre l’accès au crédit des couches sociales moyennes ou populaires,
restées étrangères au développement de la banque dans le deuxième tiers du XIXe siècle. La Prévoyance sociale, Coop-Dépôts (CODEP ), les Assurances populaires, la Coopérative ouvrière de banque (COB ), qui deviendra ensuite la BACOB, en sont quelques exemples. En 1850, les pouvoirs publics créent une caisse générale de retraite (2), auprès de laquelle des personnes prévoyantes peuvent se constituer une petite pension pour leurs vieux jours, au moyen de versements volontaires, sous garantie de l’État.
Aujourd’hui
Les banques publiques ont disparu en Belgique, notamment sous l’impulsion de la Commission européenne qui souhaitait davantage de concurrence au sein du secteur financier. La BACOB a disparu en 1997, rachetée par Paribas Belgique. La CGER a été absorbée par
Fortis puis par BNP Paribas Fortis... À la suite de la disparition des banques publiques, l’inclusion financière ne pouvant plus être garantie, la loi sur les services bancaires de base a été votée en 2003. Elle interdit à toute banque – sauf dans quelques cas restrictifs –
de refuser l’ouverture d’un compte bancaire à un client. Depuis 2009, un Belge qui investit dans une organisation de microfinance à le droit de déduire son investissement de ses impôts.
En matière d’investissement socialement responsable, la loi interdit l’investissement direct ou indirect dans les mines antipersonnel,
les armes à sous-munitions et à uranium appauvri. Une proposition bien plus large est sur la table, celle de la norme légale en ISR.
Elle prévoit qu’un produit financier ne pourra être qualifié d’« éthique » ou de tout autre qualitatif du genre que s’il n’investit pas dans des
États ou des entreprises qui ne respectent pas les conventions internationales auxquelles la Belgique adhère. Mais le gouvernement n’a
toujours pas donné suite.
Des avancées législatives sont nées en matière de finance éthique et solidaire, mais elles restent minces face à l’ampleur du chantier. Preuve s’il en est que le citoyen, soutenu par la force du nombre, a encore de nombreux domaines d’action à investir.
1. D’après Bayot Bernard, « Finance : l’éthique et la solidarité en prime », dans Démocratie, 15 décembre 2009.
2. Elle deviendra quelques années plus tard la Caisse générale d’épargne et de retraite (CGER).