Convention 182 : le socle
La convention visant l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants a été ratifiées par 132 pays en moins de 3 ans : un record ! En janvier 2008, 165 pays l’ont ralliée. Cependant, il n’est pas rare de découvrir des enfants exploités tels des esclaves, par des sous-traitants de multinationales cotées en Bourse.
La convention 182 est pourtant explicite : « Tout Membre qui ratifie la présente convention doit prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce, de toute urgence (article 1) ». Elle reconnaît dans ses considérants que « le travail des enfants est pour une large part provoqué par la pauvreté » et que par mesure efficace il faut entendre « une action d’ensemble immédiate, qui tienne compte de l’importance d’une éducation de base gratuite ».
On le sait sans le savoir
Le 29 octobre 2007, à New Delhi, le Bachpan Bachao Andolan (Mouvement « Sauvez l’enfance ») surprend, avec l’aide de la police, un sous-traitant de l’entreprise GAP en flagrant délit d’exploitation infantile. Bhuwan Ribhu, avocat, militant pour la Global March Against Child Labour, pointe alors du doigt les commanditaires occidentaux : « La réalité, c’est que la plupart des majors de la confection textile jouent le même jeu, réduisant les coûts sans prendre en considération les conséquences d’une telle politique ».
Dès l’annonce de cette sinistre découverte, Market Watch. (1), filiale de l’Index Down Jones, publie un communiqué informant les investisseurs. Qu’ils se rassurent : les managers de GAP, horrifiés, ont déjà dénoncé leur soustraitant et déclenché un plan catastrophe. Les enfants sont confiés aux autorités locales, leur scolarisation sera financée par le contrevenant et les produits sortant de cet atelier sont retirés de la vente.
Ainsi, quand les gestionnaires de fonds de placement découvrent le problème, la multinationale mise sur la sellette invoque le cas accidentel du sous-traitant non autorisé qui n’a pas respecté son code de conduite. Pendant ce temps, investisseurs et multinationales continuent de mettre l’économie mondiale sous pression en faisant dégringoler les minima sociaux avec des exigences de rentabilité toujours plus grandes...
Pour empêcher tout risque de dérapage, les investissements ne doivent-ils pas être soumis à des clauses de respect de normes sociales permettant un travail décent et une vie décente, pour les adultes comme pour les enfants ? Certes, le manque d’éducation permet aussi que se perpétue l’exploitation de
main d’oeuvre infantile, privée d’école. C’est le cercle vicieux. Il n’en reste pas moins important de relever les minima sociaux. C’est bien l’optique de la convention 182 : « une action d’ensemble immédiate », incluant l’accès à l’éducation gratuit.
Travail décent, vie décente
Outre le fait de combattre les clichés et d’éviter une approche trop radicale, et dès lors, simpliste, la Global March against Child Labour a le mérite d’offrir à tous, via son site, des outils d’argumentation et les clés d’une approche pédagogique, quel que soit le public interpellé (3).
Aussi, les organisations qui en font partie sont-elles actives par ailleurs pour promouvoir les standards sociaux de façon plus globale, selon la philosophie de l’action d’ensemble prônée par la convention 182. Celle-ci fait d’ailleurs partie du socle de normes fondamentales de l’OIT., qui deux jours après l’adoption de cette convention, le 19 juin 1998, adoptait une « déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi ». Celle-ci, plus large, garantit aussi la liberté d’association et de négociation collective, l’élimination du travail forcé et la lutte contre les discriminations à l’emploi.
Selon cette déclaration, le fait même d’être membre de l’OIT engage les États quand bien même ceux-ci n’auraient pas ratifié chacune des conventions de base. L’OIT consacrait ainsi le principe d’une approche globale des standards sociaux, ces normes fondamentales étant reprises depuis lors dans nombre de codes de conduites d’entreprises et autres textes de référence.
Dix ans plus tard, alors que la globalisation a accru la pression sur les normes sociales, les réseaux internationaux de syndicats et d’ONG entendent remettre en tête des priorités des plus élémentaires. Ils mèneront, en 2008 et en 2009, une campagne d’opinion sur le thème « Travail décent, vie décente », coordonnée en Belgique francophone par le CNCD (4).
La régulation des acteurs privés fait partie des revendications avancées par la coalition « travail décent » : ceux-ci souhaitent que les politiques commerciales et d’investissement soient subordonnées au respect de normes sociales et que les multinationales et leurs filiales soient tenues de respecter ces normes.
Ils appellent aussi à la régulation du système financier international afin que celui-ci impulse des politiques créatrices d’emplois décents. Puisse la crise boursière de ce début d’année 2008 convaincre les gouvernants d’accéder rapidement à ces revendications !
Antoinette Brouyaux
(2) Point de contact de la Global March en Belgique : Solidarité Mondiale, chée de Haecht 579, 1030 – Bruxelles www.solmond.be
(4) CNCD, rue du Commerce 9, 1000 Bruxelles www.decentwork.org
C’est à votre oreille que votre GSM cause le moins de dégâts!En mai 2007, Test-Achats dressait ce terrible constat : «rares sont les standards sociaux qui se frayent un chemin jusqu’aux usines». Dans la production de GSM, l’écrasante majorité des salaires ne permettent pas de vivre décemment. Pas une usine chinoise ne respecte les barèmes en vigueur. Heures supplémentaires forcées, sous-payées et excessives, enfants au travail... « Tant qu’ils n’ont pas l’air trop jeunes, cela ne pose aucun problème », confie le manager d’une usine de Shenzhen aux enquêteurs de Test-Achats, éberlués d’y découvrir plus de 200 enfants de moins de 16 ans. Ces jeunes sous-payés sont amenés à l’usine par leurs professeurs pour rembourser leurs frais d’étude... Et produire des chargeurs pour Motorola. Les enquêteurs dénoncent que les fabricants ne dévoilent aucun résultat d’audit vérifiant sur les sites de production le respect de leurs excellents codes de conduite, et que les contrôles sont le plus souvent menés par les fournisseurs eux-mêmes sans vérification externe. Les compagnies ne réagissent généralement qu’au cas par cas. Lorsqu’elles se voient reprocher un manquement ici ou là, elles rectifient le tir localement sans changer les règles du jeu partout. |