En bref :
- L'investissement socialement responsable au niveau des communes est faible.
- Les responsables communaux méconnaissent les produits.
Le cycle de l'argent communal
Les communes gèrent l'argent des contribuables en « bons pères de famille ». Elles doivent réaliser des placements sûrs et les plus rentables possible. Leurs recettes proviennent de trois sources : des dotations de la Région, des subsides pour la réalisation de projets spécifiques et, bien sûr, des taxes et impôts qu'elles perçoivent auprès de leurs habitants. La commune utilise ces recettes pour gérer ce dont elle a la compétence (l'hygiène des voiries, la sécurité, les bâtiments scolaires, le logement, l'action sociale...). Une partie de cet argent doit être mobilisable à court ou moyen terme (pour payer des factures, des salaires...) tandis qu'une autre peut être investie à plus ou moins long terme. Dans tous les cas, cela peut se faire dans des produits financiers socialement responsables. Pourtant, sur les 589 communes que compte la Belgique, seules 8 % d'entre elles placent (ou voudraient placer) une partie de leurs avoirs dans des produits socialement responsables. Lorsque c'est le cas, le plus souvent,les sommes placées ne dépassent pas 5 à 10 % des avoirs selon une étude menée en 2009 par le Réseau Financement Alternatif et Netwerk Vlaanderen (1). Jusqu'à présent, les communes perçoivent mal l'importance d'investir l'argent public dans des activités qui ne soient pas nuisibles à l'homme et à son environnement. Les notions de « bon père de famille » et d'« investisseur responsable » n'ont pas encore dépassé le niveau du seul argument économique.
De bonnes et de mauvaises raisons
Si l'on ne tient pas compte des communes qui estiment ne pas avoir d'argent à placer, la raison principale pour laquelle elles ne placent pas leurs avoirs de manière socialement responsable est qu'elles ignorent qu'elles peuvent le faire ! Soit elles ignorent que cela existe, soit l'information reçue des promoteurs leur paraît insuffisante, soit encore, elles se sentent mal à l'aise avec de tels produits (les trouvant peu adaptés à leurs besoins, moins rentables, trop risqués...). Au contraire, lorsque l'on se penche sur les raisons qui amènent une commune à placer une partie de ses avoirs en ISR, on constate qu'elles reposent d'abord sur la volonté de combiner rentabilité économique et sociétale ou de montrer le bon exemple. On est donc bien loin de l'obligation pourtant légale (en tout cas en Région bruxelloise, de placer au minimum 10 % des avoirs en tenant compte de critères sociaux et environnementaux). Enfin, pour certains, le receveur (le trésorier) – qui gère les dépenses et recettes communales à court terme – ne doit pas baser sa stratégie d'investissement sur la volonté du Collège, soumis, lui, au changement de législature. Les investissements socialement responsables ne peuvent donc se faire que dans le cadre des investissements à long terme décidés par le Collège des échevins.
Des communes irresponsables ?
Certaines ont créé des fonds de pension socialement responsables pour les mandataires ou les employés communaux, en choisissant elles-mêmes les critères de sélection ou, le plus souvent, en acceptant ceux proposés par la banque. D'autres considèrent que leurs investissements, notamment dans des coopératives éoliennes ou à travers des subsides ou des aides ponctuelles dans des associations sont déjà des actes socialement responsables. On le voit, si les mandataires communaux investissent peu en ISR, c'est avant tout qu'il leur manque un cadre. Une définition légale de l'investissement socialement responsable, des produits ISR simples adaptés aux communes et à leurs besoins, une obligation réelle et univoque de placer l'argent des contribuables dans des produits éthiques sont autant d’éléments qui permettraient aux communes d'investir de manière socialement responsable sans tenir le rôle de pionnier obligé d’ouvrir seul toutes les portes.
Laurence Roland,
juin 2011
1. BAYOT, B., CAYROL, A., DEMOUSTIEZ, A., WEY N, L., Évaluation de la gestion des fonds publics selon des critères sociaux,environnementaux et éthiques, 2009.