« Qu'il est loin, le bon vieux temps, où l'on pouvait s'adresser à une vraie personne, en chair et en os, pour retirer de l'argent ou transmettre un virement ! Et ne me parlez pas d'ordinateur, je n'y comprends rien ! »
Peut-être vous reconnaissez-vous dans ce cri du coeur, peut-être vous fait-il penser à des proches. Question de génération, d'état d'esprit, de formation ou d'expérience... Tout le monde n'est pas égal devant la machine.
Cette inégalité d'accès à l'univers informatique n'est pas toujours vécue comme un problème. Tout comme certains se passent aisément de télévision ou de voiture, d'autres protègent volontairement leur cadre de vie de l'interconnexion constante avec le monde extérieur.
Pour pouvoir gérer ses finances, par contre, il devient de plus en plus nécessaire d'entrer dans l'univers numérique. Celui-ci se présente concrètement de deux façons :
- Le guichet automatique : depuis 15 ans, le nombre d'agences bancaires s'est fortement réduit et celles qui restent sont organisées de manière à diriger les clients vers les automates pour les opérations courantes.
- De plus en plus de ménages s'équipent d'un ordinateur et se connectent à internet. L'avantage, c'est qu'à la maison, on ne doit ni faire la file, ni cacher ses doigts quand on effectue son code. Le home banking (ou PC banking) offre aussi une meilleure vue d'ensemble des services disponibles que les guichets automatiques. Ainsi, petit à petit, la gestion financière en ligne se généralise. Notons quand même que nous payons pour des opérations que nous effectuons nous-mêmes...
Et le service bancaire de base ?
En 2005, le Réseau Financement Alternatif a publié un rapport d'évaluation de la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base. Ce rapport a fourni l'occasion d'évaluer le profil des exclus bancaires. Dans la foulée, la loi sur le service bancaire de base a fait l'objet de diverses modifications législatives. Ainsi, depuis le 1er janvier 2007, cette loi protège les revenus essentiels versés sur un compte courant. Selon la loi sur le service bancaire de base (S.B.B.), la banque a le choix d’offrir ce service avec ou sans mise à disposition d’une carte de débit (utilisable seulement en Belgique).
Avec ou sans carte de débit, le S.B.B. doit permettre de :
- gérer un compte à vue ;
- effectuer des virements manuels ou électroniques ;
- faire des ordres permanents (montant défini et révocable par le client) ;
- domicilier des factures (montant défini chaque mois par le créancier et révocable moyennant accord des deux parties) ;
- déposer et retirer de l'argent ;
- recevoir des extraits de compte, soit par voie électronique, soit via l'agence, au moins tous les 15 jours.
Dans les faits, le S.B.B. est en général proposé avec carte de débit, pour encourager autant que possible le self-banking. En poussant ainsi les clients à utiliser le guichet automatique, les banques limitent les coûts de gestion des comptes (S.B.B. ou autres comptes courants et d'épargne). Cela peut poser problème aux personnes analphabètes, malvoyantes ou âgées qui éprouvent des difficultés à manier l'automate. Ces personnes ont besoin, au moins de temps en temps, de pouvoir s’adresser à un employé au guichet pour leurs opérations. Le « tout-à-l'électronique » du secteur financier contribue ainsi à creuser davantage la fracture numérique et empêche le service bancaire de base d'atteindre sa cible. C'est pourquoi, trois ans après de dernières modifications de la loi qui consacre ce droit, il serait utile de réévaluer les effets et les limites de ce cadre législatif. Encadré 2 : Qui est exclu ?
- Parmi les personnes non bancarisées, 67 % sont sans diplôme ou possèdent un certificat d’études primaires ; 8 % ont plus de 60 ans ; 5 % sont handicapées.
- Selon les établissements de crédit, 18 % des titulaires actuels d’un S.B.B. ont plus de 60 ans.
- Parmi les personnes qui ne souhaitent pas obtenir un compte, 13 % des interrogés expliquent que l’automatisation des banques est un obstacle insurmontable.
Nous voulons un Bankbus
Aux Pays-Pas, un partenariat public-privé a permis de créer des « Bankbus » (bus bancaires) qui sillonnent les campagnes à la rencontre de ceux qui souhaitent effectuer leurs opérations bancaires sans devoir se déplacer trop loin. Si ce service « nomade » a pu être mis sur pied dans un pays où 99,8 % de la population vit à moins de 5 km d'un service bancaire, c'est parce que la Nederlandse Bank, l'association des communes néerlandaises et l'association rurale des petites communautés ont organisé toute une chaîne de collaboration pour garantir l'accessibilité du paiement au niveau local. Outre les Bankbus, des accords sont passés avec des commerçants pour permettre à des clients isolés de retirer de l'argent chez eux. Ce programme a pu être mis en oeuvre sans fonds publics. Pourquoi ne pas l'envisager en Belgique où, comme à Vresse-sur-Semois, certaines personnes doivent parfois parcourir 20 km pour aller retirer de l'argent ?
Quelques chiffres
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De 7791 agences bancaires en Belgique en 1994, on est passé à 4316 agences en 2008. En y ajoutant les agences indépendantes franchisées, ce chiffre s'élève à 8259.
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Entre 2007 et 2008, le nombre de travailleurs du secteur bancaire est passé de 66 827 à 65 172 personnes.
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Le prix d'un compte courant peut fortement varier selon les offres. Ainsi, le service bancaire de base ne peut être facturé plus de 12 € par an. Ce prix, fixé en 2003 et soumis à l'indice des prix à la consommation, s'élève en 2010 à13,58 €. À titre de comparaison, le forfait Easypack de BNP Paribas Fortis s'élève à 78,6 €.
Pour aller plus loin :
Marco Van Hees, « Banques qui pillent, banques qui pleurent », pp. 34 à 44.