Fonds spéculatifs : le grand méchant loup ?

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16/03/2011
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Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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FINANcité a interrogé le gestionnaire d'un fonds spéculatif basé à Londres et soumis ses réponses à Pascal Canfin, Arnaud Zacharie et Antonio Gambini.

« L'argent va toujours vers l'endroit où il y a des opportunités ».

Warren Buffet, dans son courrier aux actionnaires, 26 février 2011

 

Interview

Pascal Canfin est ancien journaliste à Alternatives économiques. Depuis 2009, il est euro-député (Europe Écologie – Les Verts) et, entre autres, vice-président de la Commission spéciale Crise financière et économique. Il est également à l'origine de Finance Watch. Arnaud Zacharie et Antonio Gambini sont respectivement directeur et chargé de recherche au CNCD-11.11.11

À qui la faute ?

Les fonds spéculatifs n'ont pas provoqué la crise. Cette affirmation est partagée par tous les intervenants, mais les explications diffèrent. Pour le gestionnaire, même s'il reconnaît qu'il y a eu des abus, la dernière crise est avant tout une crise du crédit privé (les ménages à qui on a prêté de l’argent alors qu'ils ne pouvaient rembourser), une crise des banques mal gérées qui ont acheté des produits sans en connaître le risque et une crise des États dont l'endettement est trop élevé. Pour Pascal Canfin par contre, les fonds spéculatifs n'ont certes pas provoqué la crise, mais ont joué un rôle certain dans son aggravation et sa propagation. Concernant la responsabilité des États, Antonio Gambini note que la crise de la dette publique n’aurait pas eu lieu sans crise de la dette privée. [...] Quant à l’idée que l’endettement excessif des États européens serait dû à une mauvaise gestion, c’est oublier qu’une bonne partie de cet endettement récent est directement liée au sauvetage du système financier par le contribuable !

Une taxe sur les transactions boursières ? 1

Une telle taxe tuerait le marché des transactions automatisées,(2) remarque le gestionnaire. Pour lui, ce marché a pourtant son utilité : Vu le nombre de transactions qu'il engendre, le marché des transactions automatisées crée de la liquidité, ce qui permet au marché des investisseurs de SICAV de bien fonctionner. Antonio Gambini se réjouit de la faisabilité technique d'une telle taxe. Mais selon lui, le besoin de liquidité est un leurre : depuis trente ans, plus la liquidité a augmenté, plus les bulles et les crises ont été violentes. Et d'ajouter : en réalité, les marchés financiers sont déjà ultraliquides, mais la prétendue liquidité des marchés a-t-elle – ne serait-ce qu’un tant soit peu – aidé le système financier à résister à la crise des subprimes ? Ce que confirme Pascal Canfin qui voit dans la mise en place d'une telle taxe la suppression des transactions aux formes les plus court-termistes […] dont les gains ne présument en rien de leur utilité sociale. D'autre part, ajoute-t-il, une taxe sur les transactions financières permettrait de collecter une source substantielle de rentrées fiscales sans pénaliser pour autant l'investissement et la consommation.

D'autres solutions ?

Augmenter les fonds propres des banques, mais aussi créer une séparation nette entre la banque de détail et la banque d'affaires. Si une banque fait faillite, elle peut être sauvée par un État. On n'a jamais vu un hedge fund sauvé par un État ! commente le gestionnaire. Idée qu'approuve totalement Antonio Gambini mais que tempère Pascal Canfin : Malheureusement on a déjà vu un hedge fund sauvé par un État : il s'agissait de LTCM. En 1998, la FED (3) de New York a obligé les grandes banques d'investissement américaines à recapitaliser le fonds pour en assurer une liquidation ordonnée. La séparation des activités de banque de détail et de banque d'investissement peut être nécessaire mais n'est pas la solution miracle. Faut-il rappeler que Bear Stearns et Lehman Brothers étaient de pures banques d'affaires ? D’après Pascal Canfin, la régulation doit toucher l'ensemble des acteurs, ce qui impose de limiter les effets de levier en augmentant les fonds propres réglementaires ainsi que de réduire la taille des banques aujourd'hui « too big to fail ». Pour le gestionnaire, une telle séparation se fait attendre car [...] il y a une vraie dépendance des États par rapport aux banques. Je pense que les politiciens ont peur de déstabiliser un système encore fragile, encore en convalescence.

1. Deux initiatives existent en la matière:
1) La taxe Tobin : 0,1 % sur les transactions financières internationales.
2) La taxe Robin Hood : 0,05 % sur les transactions financières internationales.

2. La moitié du volume des opérations boursières sont est faites par des machines, sans interventions humaines.

3. La Federal Reserve System, appelée souvent Federal Reserve ou, plus court encore, Fed, est la banque centrale des États-Unis.

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