
22, v’là les private equity funds !
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Qu’est-il arrivé à Gate Gourmet ? Cette division de catering aérien de Swissair a été rachetée en 2002 par la société de capital privé Texas Pacific Group. Ce « private equity fund » est l’exemple type du fonds de capital risque investissant directement dans des entreprises privées pour en retirer un rendement maximum. On compte, parmi les investisseurs de tels fonds, des caisses de retraite privées et publiques, des banques commerciales,
des banques d’affaires, des compagnies d’assurances, des personnes fortunées, des fondations...
Ces investisseurs entendent obtenir à court terme des gains bien plus élevés qu’en Bourse. Faute de réglementation adéquate, les fonds d’investissement privé peuvent investir comme bon leur semble et s’endetter de manière illimitée, sans aucune obligation de transparence. Leurs gestionnaires sont stimulés par des commissions et salaires élevés. C’est pourquoi les salariés et syndicats d’une entreprise rachetée par un private equity fund, ont toutes les raisons de s’inquiéter. Ainsi, le Texas Pacific Group a financé le rachat de Gate
Gourmet principalement par endettement, afin de restructurer la société, en vue d’une sortie très lucrative. Il lui fallait donc réduire drastiquement les coûts.
Collision frontale
Au Royaume-Uni, le plan consistait à réduire d’un tiers les effectifs. En Allemagne, il s’agissait de réduire les coûts salariaux de 25 % à Dusseldorf et de 20 % dans les autres établissements. La collision frontale avec les syndicats
était inévitable... Le premier choc eut lieu à l’aéroport d’Heathrow au Royaume-Uni, avec l’embauche secrète par la société de centaines de travailleurs contractuels au beau milieu des négociations collectives. L’offensive antisyndicale s’est ensuite déplacée vers l’aéroport de Dusseldorf en Allemagne, où la société a exigé des concessions sur les heures de travail, les congés et les primes de quart. En octobre 2005, le syndicat des travailleurs de l’alimentation entame une grève de huit semaines. Un compromis est négocié entre le syndicat et la direction locale début décembre 2005. Ce règlement est rejeté unilatéralement par la direction générale de Gate
Gourmet après l’intervention de Texas Pacific Group... Le conflit n’a été réglé qu’en avril 2006, après une grève de six mois. Unis et déterminés, les syndiqués ont pu éviter que la masse salariale soit réduite de 10 %, comme exigé par la société.
Capital-risque... Pour qui ?
Tout comme les hedge funds (fonds d’arbitrage), les private equity funds sont devenus en très peu de temps détenteurs d’énormes masses de capitaux, ce qui les rend incontournables. Ils touchent maintenant de grandes
entreprises, des industries, des marques grand public et même des entreprises liées aux services publics. Autorités financières, banques centrales et gouvernements ne savent comment limiter l’appétit de ces investisseurs voraces
qui privilégient les gains à court terme. Car pour financer le rachat d’entreprises par endettement, il faut un rendement élevé puisqu’il s’agit d’extraire le maximum de valorisation sur une courte période avant de
revendre l’entreprise (ou ce qu’il en reste) et d’empocher au passage une prime substantielle. D’où les réorganisations constantes, la baisse des investissements productifs, une gestion à court terme systématique, une augmentation de la sous-traitance, des ventes et fermetures effectuées sans égard pour la productivité
ou la rentabilité, une détérioration des conditions de travail, une diminution de la sécurité d’emploi, des employeurs invisibles...
Enfin, le financement par endettement a un effet de levier qui menace la stabilité des systèmes financiers internationaux et la durabilité des économies nationales, au Nord comme au Sud.