La Banque centrale européenne a un objectif : un taux d’inflation autour de 2 %. Grande amatrice des analogies militaires, elle parle régulièrement de l’éventail d’armes qu’elle est en mesure d’utiliser. Parmi celles-ci, il y en a une que l’on évoque du bout des lèvres à Francfort : la monnaie hélicoptère.
C’est Milton Friedman qui a popularisé l’idée en voulant démontrer la neutralité de la monnaie à long terme. Sa théorie est la suivante : en lâchant des millions par hélicoptère sur la population, l’effet n’aurait aucun impact sur le long terme, mais bien dans le court terme en relançant l’inflation, particulièrement s’il y a avait un effet de surprise suivie d’une euphorie consumériste généralisée. Tiens, ne serait-ce pas ce qui intéresse la Banque centrale européenne?
En pratique
Rappelons que la BCE est tout à fait en mesure de décider du nombre d’unités en circulation. La discussion consiste à savoir par quel moyen elle les met en circulation.
En pratique, différentes options sont envisageables. Il peut tout simplement s’agir d’un transfert direct à la population sur leurs comptes en banque. La même procédure peut être réalisée en passant par les États qui pourraient également accorder un crédit d’impôt aux citoyen·ne·s. On pourrait même imaginer que les comptes des particuliers·ères soient crédités via les banques commerciales. L’opération est enfantine, d’un point de vue technique.
Un discours politique difficile à écrire
Imaginez-vous, président.e de la BCE, prêt·e à annoncer devant un tapis de journalistes que chaque citoyen·ne européen·ne va recevoir 9 000 euros (montant fictif). De belles étrennes de fin d’année. Mais une fois la joie passée, le temps des explications arrivera.
Pourquoi avoir attendu si longtemps? Pourquoi s’être obstiné pendant une décennie à coup d’austérité, de coupes budgétaires, de réduction des services publiques au nom du remboursement des dettes? Et pourquoi avoir laissé le peuple grec boire le calice jusqu’à la lie alors que des alternatives étaient à portée de main? Est-ce que l’intérêt des citoyen·ne·s a primé dans cette décision ou s’agit-il d’une posture de façade destinée à maintenir la stabilité d’un système bancaire qui tire sur la corde?
Il fait peu de doutes que les retombées économiques de la monnaie hélicoptère seraient bénéfiques. Elle permettrait une consommation additionnelle qui aura l’heureux effet de booster des rentrées fiscales de l’État. Néanmoins, parmi les critiques, il faut noter les craintes de spirale inflationniste.
Mais malgré les vertus éthique, facile et équitable de la mesure, ce n’en serait pas moins un pansement sur une jambe de bois. Une relance par la consommation n’implique pas de savoir quels types de dépenses seront opérées. Relancer l’économie à grand coups de prêt-à-porter, de produits plastiques qui ont fait trois fois le tour de la planète ou de belles allemandes ne modifie en rien notre structure productiviste actuelle. Celle-là même qui ravage notre planète sans regard pour le vivant et la pérennité de notre espèce. Cet outil ne remet pas en cause les nombreux dogmes qui subsistent dans nos modèles économiques. Mais rien n’empêche d’être créatif!