La finance solidaire, un modèle anti-crise

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12/2008
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Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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La finance doit changer ! L'ancienne, nourrie de la seule logique du profit le plus élevé, souvent à (très) court terme et sans égard aux conséquences sociales et environnementales de l'investissement, est allée droit dans le mur.

Exiger des retours sur investissement de 15, 20 voire 30 % par an est incompatible avec l’économie réelle, qui n’offre pas une croissance aussi forte.

De tels rendements ne peuvent par conséquent être obtenus qu’au détriment de la rémunération des autres facteurs de production, du travail en particulier – ainsi, la part de la rémunération des salariés dans le PIB
belge a fortement chuté depuis 1981, passant de 57 % à 51 % (1) – mais aussi, par exemple, des réserves que l’entreprise ne peut plus investir en recherche et développement. Exiger que ces rendements soient obtenus à court terme est par ailleurs en contradiction avec la logique d’entreprise la plus élémentaire qui demande du temps pour que les investissements puissent sortir leurs effets. Enfin, fermer les yeux sur l’impact social et environnemental des activités financées ne fait qu’accentuer ce phénomène de rupture entre finance et réalité.

Une rupture qui a emporté le vieux modèle de la finance, mais qui est aussi porteur de graves conséquences sur le plan économique et social.

Patience et modération

La finance solidaire, fondée sur la responsabilité, la patience et la modération, a toujours pris le contre-pied de cette logique mortifère. Elle consiste à placer le souci de cohésion sociale avant celui du rendement financier immédiat. Ce faisant, elle permet de répondre à des besoins réels de financement de personnes ou de groupes pour sortir de la précarité, de favoriser l’émergence d’activités nouvelles rencontrant des difficultés de financement auprès des banques classiques (environnement, éducation, action sociale, particulièrement sur le plan local) ou encore de faire la preuve que l’économie peut être utilisée de façon plus humaine au service des hommes.

C’est une finance responsable car elle s’inquiète des impacts sociaux et environnementaux de l’activité économique. Elle intègre dès lors, aux côtés de l’analyse financière, l’évaluation que l’on peut porter sur ces impacts dans ses choix d’épargne ou d’investissement, d’une part, de financement, d’autre part. Cette approche, qui favorise une économie bénéfique pour l’homme et l’environnement, permet, mieux que d’autres, de construire des portefeuilles solides, sur des thématiques d’avenir qui conservent leur validité à long terme.

La patience est d’ailleurs la deuxième vertu de la finance solidaire, qui ne se comprend que comme un outil au service de l’économie. S’il est évident que des mouvements financiers à court terme sont nécessaires pour répondre notamment aux nécessités de trésorerie, ils ne peuvent se justifier pour des investissements qui demandent du temps pour sortir leurs effets. Il faut donc remettre à l’honneur ce que les Anglo-saxons appellent le capital patient, c’est-à-dire un capital qui reste dans l’entreprise pour soutenir ses opérations et appuyer ses investissements pour le développement de nouvelles activités.

Enfin, la finance solidaire inverse la logique de la ponction démesurée du profit par l’actionnaire au détriment de l’activité économique et privilégie des modèles économiques qui imposent des limites à la course au profit. Il faut que la plus-value réalisée grâce à l’activité économique d’une entreprise soit modérément distribuée pour rémunérer le capital, et davantage réinvestie dans l’entreprise elle-même. C’est ce que nous pourrions appeler la modération actionnariale qui est d’application dans les sociétés à finalité sociale et les coopératives agréées par le Conseil national de la coopération (CNC). Les conditions de cet agrément reprennent en effet les cinq grands principes de la coopération que sont l’adhésion volontaire, le principe d’égalité ou la limitation du droit de vote aux assemblées générales, la désignation des administrateurs par l’assemblée générale, un dividende modéré servi aux parts sociales (actuellement 6 % net) et une ristourne aux associés.

On le voit, des modèles financiers responsables et solidaires existent, qui soutiennent l’économie réelle et l’intérêt général, au lieu de les détruire. Les favoriser passe par une action publique déterminée qui incite les détenteurs de capitaux à les utiliser davantage qu’ils ne le font aujourd’hui.

Bernard Bayot

(1) Robert Plasman, Michael Rusinek, François Rycx et, Ilan Tojerow, La structure des salaires en Belgique, document de travail, N°08-01.RR , Dulbea, février 2008.

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