En bref
- Les circuits courts évitent les intermédiaires.
- Aubaine pour les agriculteurs et les consommateurs.
Interview d’Alexandre Dewez, coordinateur du réseau bruxellois des groupes d’achat solidaires de l’agriculture paysanne (GASAP), de l’asbl Le Début des Haricots.
FINANcité Magazine : D’où provient le modèle des groupes d’achat solidaire et quelle est leur finalité ?
Alexandre Dewez : Les GASAP sont des groupes d’achat solidaire de l’agriculture paysanne. C’est le modèle de l’agriculture contractuelle de proximité. Ce modèle a été développé dans les années 70 aux États-Unis et au Canada. C’est donc un modèle d’agriculture soutenue par la communauté. Actuellement, il existe au niveau bruxellois un réseau composé de 30 groupes d’environ 20 ménages chacun. Ce réseau est né en 2006 avec le premier GASAP. À la base, il s’agit d’un réseau informel, bénévole et citoyen qui entend soutenir le modèle d’agriculture paysanne. On parle ici de circuit court car les intermédiaires sont supprimés entre le producteur et le consommateur.
Quel type de contrat lie les consommateurs aux producteurs ?
Un contrat d’engagement de solidarité est écrit entre les consommateurs et le producteur. Ce contrat, d’une durée minimum d’un an, stipule qu’un consommateur s’engage à acheter un certain volume de production pour au moins quatre saisons. Cette production sera donc composée de légumes de saison locaux. Ce contrat de solidarité implique également un partage des risques. Si le producteur se
trouve dans l’incapacité d’assurer la livraison du volume alimentaire convenu, le consommateur paiera quand même la somme due. Inversement, si le consommateur n’est plus en mesure de payer la production prévue par le contrat, il ne la paiera pas et recevra quand même ses produits. Il s’agit donc d’un préfinancement pour les producteurs. Certains d’ailleurs refusent ce préfinancement, car ils se sentent redevables. D’autres producteurs le préfèrent, car cela leur permet de réinvestir plus facilement dans l’exploitation agricole. Ce financement relève davantage du symbolique, c’est une preuve d’engagement, de confiance accordée aux producteurs.
Quels en sont les avantages directs ?
Le premier avantage direct est la suppression de l’intermédiaire. Le bénéfice est partagé entre le producteur et le consommateur : le consommateur va pouvoir accéder à des produits artisanaux de très haute qualité issus de l’agriculture biologique à un prix moins élevé que dans un supermarché ou chez un autre distributeur. Le producteur y gagnera également puisque, ne passant plus par un grossiste ou par un distributeur (supermarché ou épicier), il récupèrera la marge bénéficiaire du ou des intermédiaires. Autre avantage de taille pour le producteur : la garantie de vendre un certain volume de production pendant au moins un an. En établissant une relation de confiance, le producteur pourra également fidéliser sa clientèle.
Quelles différences avec la grande distribution?
Elle imposera des prix de base peu avantageux pour le producteur pour dégager le bénéfice nécessaire pour rétribuer ses actionnaires et couvrir ses frais de fonctionnement interne. De plus, la grande distribution ne garantit pas qu’elle va continuer à acheter au même prix et de manière régulière. Il y a donc une précarité dans la collaboration avec la grande distribution.
Les circuits courts sont-ils un modèle durable ?
À partir de deux hectares en culture maraichère bio, une famille peut vivre correctement sans subvention. La plupart des agriculteurs belges exploitent 80 hectares et ne s’en sortent pas alors qu’ils reçoivent des subventions. Il est évident que les États européens auraient grandement intérêt à mettre en place un système de politique agricole paysanne avec de petites exploitations. De l’emploi serait créé, cela protègerait l’environnement, relancerait l’économie et stabiliserait complètement le système.
Alors que les emplois de la grande distribution sont précaires, le modèle des circuits courts solidaires apporte une sécurité aux futurs producteurs locaux en leur offrant des garanties d’avenir. Il a fallu 50 ans pour détruire ce modèle agricole paysan. Le remettre en place prendra donc de nombreuses années.
Plus d’infos sur cette alternative ou pour trouver un GASAP,rendez-vous sur www.haricots.org/gas ou www.gasap.be
Les accordeurs du QuébecLes systèmes d’échange locaux (SEL) se développent de plus en plus dans notre pays. Ils permettent à des personnes de s’échanger des services. Le moyen de paiement n’est pas l’argent mais le temps. Ainsi, consacrer une heure de son temps à donner un cours de piano permettra d’être crédité d’une heure qui pourra à son tour être utilisé pour un autre service. Ces SEL sont de beaux exemples de solidarité entre personnes mais on leur reproche parfois d’échapper à la mixité sociale. Rares sont les personnes à bas revenus qui les fréquentent. Les Québécois ont déjoué cet écueil en créant les Accorderies. Le projet qui s’apparente à un SEL classique est complété par des services d’intérêt général dont peuvent profiter l’ensemble des Accordeurs. A Québec, il s’agit d’un service d’achat groupé de produits alimentaires bio et d’un système de crédit solidaire. Ces services permettent notamment aux personnes défavorisées d’obtenir des crédits qu’elles ne peuvent obtenir par ailleurs et d’avoir accès à des produits de qualité moins chers grâce à l’achat groupé. Enfin, il n’y a pas de bénévolat au sein de ces Accorderies. Tout travail effectué au sein de l’association est rémunéré en crédit temps et est « facturé » à ceux qui bénéficient du service collectif. |