
Interview croisée : 3 questions à
LAURENT VEREYLESONNE
FINANcité : Les producteurs labellisés Max Havelaar ressentent-ils la pression que la grande distribution fait subir à ses producteurs ?
C’est tout le but du commerce équitable que d’éviter cette dérive. Notre but est que la pression de l’économie de marché n’écrase pas les producteurs et les fournisseurs. Qu’ils soient vendus ou non en grande surface, les produits Max Havelaar garantissent ce respect.
Avez-vous vendu votre âme au diable en acceptant de vous plier aux règles commerciales de la grande distribution ?
Nous voulons changer l’économie, mais nous voulons le faire avec les acteurs existants. Les producteurs du Sud nous demandent d’avoir un accès le plus large possible aux consommateurs. Comme nous voulons changer le commerce à grande échelle et faire en sorte que le commerce équitable devienne une norme minimum du commerce international, la collaboration avec la grande distribution est nécessaire.
Quel regard portez-vous sur les circuits courts ?
Le fait de consommer des produits issus du local est positif. Si les gens veulent encourager les circuits courts et aller dans des boutiques spécialisées, c’est bien entendu tout à leur honneur. Le fait est que la majorité n’y va pas. C’est pourquoi nous avons intégré les rayons des grandes surfaces.
CHRISTIAN JACQUIAU
FINANcité : Que reprochez-vous à la grande distribution ?
Je lui reproche son évolution. Au départ, en 1945, la grande distribution avait pour vocation de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs. Aujourd’hui, les intermédiaires ont disparu et les centrales d’achat sont devenues libres de dicter leurs règles. On est passé d’un modèle de commerçant à un modèle de spéculateur. Certains produits labellisés « équitables » se trouvent aujourd’hui en grandes surfaces.
Qu’en pensez-vous ?
Au départ, les produits du commerce équitable sont arrivés par des pétitions d’organisations exigeant les produits équitables dans les supermarchés. La démarche était politique et citoyenne. Le but était de contaminer les autres produits pour arriver in fine à ce que tous les produits soient équitables. La grande distribution à d’abord refusé. Puis, elle s’est rendu compte qu’il y avait un marché. Du coup, elle a introduit les produits du commerce équitable.
Que préconisez-vous pour responsabiliser la grande distribution ?
La grande distribution fonctionne selon un système ultralibéral. Le but est de faire de l’argent à court terme. Il n’est pas question de responsabiliser la grande distribution. Ce n’est pas son objet. Ce qu’il faut, c’est encourager les alternatives à la grande distribution et aller vers des circuits courts.