Le début de la faim ?

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2013
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Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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Près d'un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde. 98% de cette population est au sud.

En bref

* Des crises de la faim en cascade.

* Le sud systématiquement touché.

7 milliards d’êtres humains et de la nourriture produite pour 12 milliards d’individus à l’année... Pourtant en 2012, selon la FAO (Food and Agriculture Organisation of the United Nations ) 870 millions de personnes – une population principalement installée au sud de la planète - ne mangeaient pas à leur faim. a ce paradoxe, il faut ajouter que les prix mondiaux des produits alimentaires de base (blé, maïs, ... soit l’assise de beaucoup de régimes alimentaires) étaient relativement stables et contenus depuis les années 70, permettant une diminution globale de la faim dans le monde.

C'est à partir des années 2000 que la donne change, un retournement de situation largement amplifié avec l’arrivée de la crise économique et financière : les prix des denrées alimentaires sont de plus en plus instables et montent. apogées successives, les crises de la faim de 2008, 2010 et 2011 plongent de nombreuses régions, parmi les plus pauvres de la planète, dans des situations risquées, détrui- sant le peu de stabilité des zones en question. en janvier 2011, selon la Fao toujours, les prix alimentaires mondiaux atteignent un niveau historique. Cette instabilité accrue des prix concerne un marché agricole déjà difficile par nature (voir p. 6 et 7) mais le retournement de situation et les pics consécutifs des prix sont lourds de conséquences.

Répartition inégale

Avant de s'interroger sur les causes de la situation actuelle, un constat doit être fait. Les populations occidentales ont moins souffert de la faim pendant les crises alimentaires successives, la grande majorité d'entre nous ayant peu ressenti la hausse des prix dans les supermarchés. normal : le montant qu'un mé- nage européen consacre à la nourriture représente en moyenne 10 % de ses revenus totaux. À l'inverse, dans un pays du sud, un ménage consacre en moyenne 80 % de ses revenus à son alimentation. si les prix des denrées doublent, on l'aura bien compris, ces familles ne peuvent plus se nourrir correctement.

Ricochet

Nous vivons dans un monde globalisé, une hausse des prix des céréales, par exemple, sur les marchés internationaux se répercute inévitablement sur les marchés intérieurs, avec un impact plus marqué sur les pays dont la balance commerciale est défavorable. Or, les pays du sud sont souvent importateurs nets de nourriture, tributaires donc des importa- tions pour leur sécurité alimentaire. Une augmentation du coût des importations se traduit souvent dans les États à faibles revenus, par des évolutions des dépenses (des mesures de soutien à la population ou encore de mesures de détaxation) et accroît encore le déséquilibre des échanges commerciaux internationaux de ces zones. À noter également que si certains aliments de base deviennent trop chers, le régime alimentaire des populations touchées se modifiera au profit de produits de substitution moins chers et de qualité inférieure. Mieux réglementer le marché ali-mentaire mondial est impératif au vu de ces divers constats, mais gouvernements et organisations internationales ont encore du chemin à faire. pour oxfam solidarité, sos Faim, le CnCd-11.11.11, FairFin et le réseau Financement alternatif, c'est l'explosion du phéno- mène spéculatif sur les marchés agricoles qui est en grande partie responsable de la situation actuelle.

Petits producteurs lésés

La tendance haussière des denrées alimentaires a des conséquences terribles sur les populations en difficulté. De plus, une augmentation du prix des aliments ne se traduit pas forcément par une augmentation des revenus des producteurs du sud et, ce, pour deux raisons. Ces derniers sont, premièrement, souvent, acheteurs nets de produits alimentaires, ce qui veut dire qu'ils consacrent plus d'argent à leurs dépenses en nourriture qu'ils n'en gagnent en vendant leur production. deuxièmement, en raison de l'augmentation d'autres matières premières comme le pétrole notamment, les coûts de production de ces petits agriculteurs sont de plus en plus élevés. Le sud, deux fois perdant ? 

MarForh aGemba est ingénieur agricole au cameroun et coordinatrice de NoWeFor, une fédération regroupant 2400 agriculteurs au Nord ouest du pays.

Depuis 7 ans que vous travaillez dans le secteur agricole, est-ce que vous avez constaté des changements au niveau des prix des denrées alimentaires ?

Oui, les prix varient beaucoup plus qu’avant au Cameroun. La tendance est clai- rement à la hausse, et c’est préoccupant.

Les paysans profitent-ils de la hausse des prix ?

Non, pas souvent. Car les prix des intrants1 augmentent fortement aussi. Et puis, il faut bien se nourrir ! C’est un cercle vicieux. Je constate par ailleurs que les paysans vendent à n’importe quel prix : bas, haut, il faut vendre quand c’est possible car l’argent fait défaut. Il y a aussi, au niveau local, des mécanismes pervers lors de la vente et l'achat des céréales dont souffrent les petits producteurs et la population.

Quelles sont les conséquences de cette variabilité des prix ?

L’agriculture au Cameroun est affectée par beaucoup de choses : les facteurs climatiques, la mauvaise qualité des routes, le coût toujours plus élevé des intrants. mais si on y regarde d'un peu plus près, lorsque les prix augmentent trop, ce qui se passe, c’est que les paysans n’arrivent pas à rentabiliser leur production. Comme le reste de la population, ils n’arrivent pas à s’en sortir. Cela vaut pour toutes les productions : le blé, le maïs, le riz... La situation a certes toujours été délicate, mais pourquoi est-elle de plus en plus difficile ? on ne comprend pas pourquoi les prix varient tellement. on aura toujours besoin de se nourrir et on aura toujours besoin d’importer des matières premières. nous sommes tous dépendants de la nourriture, c’est quelque chose que l’on devrait pouvoir contrô- ler. au Cameroun, il y a trop des gens qui ne mangent pas à leur faim aujourd’hui. on ne peut plus connaître des situations comme celles de 2007 et de 2010. si, à l’heure actuelle, la situation est comme ça, imaginez, dans 10 ou 20 ans, ce que l’avenir nous réserve ?

1. En agriculture, les intrants sont les différents produits apportés aux terres et aux cultures (engrais, semences, carburants, etc.). 

Mahamadou hassaNe est producteur de riz au Niger

Est-ce que vous avez constaté des changements au niveau des prix des denrées alimentaires ? Plus de variabilité ?

Oui, bien sûr, durant les crises surtout, d'abord en 2005, puis en 2008 et en 2011. personnellement, je constate d'abord des problèmes de corruption sur les marchés locaux. mais au-delà de ça, la hausse des prix est forte depuis plusieurs années. Le maïs qui, avec le mil et le sorgho, était un de nos produits de base, la population du niger ne peut plus se le payer. Le mil et le sorgho sont produits localement mais le maïs est importé des pays voisins.

Les producteurs locaux profitent-ils de cette hausse ?

Les petits producteurs sont aussi consommateurs. pour le riz, par exemple, le niger est dépendant à 70 % de l'importation. Le problème, c'est aussi la hausse des coûts de production. on a besoin d'électricité et de pétrole, on est donc très fortement dépendant à ce niveau-là aussi. Chez nous, il y a deux types de vo- latilité : celle des produits importés et celle des pro- duits locaux. nos produits locaux sont soumis aux problèmes liés à nos propres marchés – la corruption des commerçants locaux, notamment, qui créent des situations de rareté artificielle, et puis la qualité des récoltes. pour le reste, c'est au-delà de ce qu'il se passe chez nous.

Entrevoyez-vous des solutions pour améliorer la situation au Niger ?

Les paysans doivent s'organiser, c'est ce dont je m'occupe à travers une coopérative. Le problème chez nous, c'est la désinformation. et puis l’État doit encourager les productions locales de façon à nous débarrasser des importations, qui coûtent de plus en plus cher.

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