« La cotisation sociale offre une définition anticapitaliste de la valeur. Son versement consiste tout simplement à attribuer une valeur économique à des non-marchandises telles que les prestations de santé, l’éducation des enfants, l’activité des retraités. En finançant ainsi le salaire à vie des pensionnés, le salaire au grade des soignants, le salaire maintenu des malades ou des chômeurs, le travail non marchand des parents, elle subvertit le marché du travail et la mesure des biens par leur temps de production. »
Introduction générale aux trois articles
La Sécurité sociale n’a jamais été autant remise en question qu’aujourd’hui. Que ce soit en France ou en Belgique, les gouvernements conçoivent sans cesse de nouvelles réformes pour combler le « déficit de la Sécu ». Et même ses plus ardents défenseurs semblent parfois incapables de revendiquer davantage qu’un « sauvetage » de la Sécurité sociale. Le monde semble ainsi partagé entre ceux qui voudraient « détricoter » le système de protection sociale et ceux qui pensent qu’en bricolant elle pourrait encore jouer un rôle, notamment de réduction des inégalités.
Rares sont désormais ceux qui voient dans la Sécurité sociale un modèle d’avenir, une institution prometteuse, voire révolutionnaire. Mais ils existent. Notamment, au premier rang d’entre eux, Bernard Friot, sociologue et économiste français. Dans cette série de trois articles, nous avons choisi de lui donner la parole ; d’écouter attentivement, d’une oreille bienveillante mais critique, ce qu’il nous dit ; d’enfiler ses lunettes pour relire l’histoire de la Sécurité sociale, de sa création aux réformes qui nous sont proposées depuis les années 80 (article 1) ; de réinterroger et redéfinir les termes du débat qui pourraient brider notre créativité pour envisager des alternatives (article 2) et de présenter l’avenir qui pourrait découler des propositions de Bernard Friot, notamment mais pas seulement ― tant s’en faut ― le salaire à vie.