L'épargne par le crédit

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03/2014
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Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

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En Grande-Bretagne, pas de culture de l'épargne, mais plutôt du crédit. Un véritable problème auquel les Credit Unions tentent de répondre.

En bref

  • Les Credit Unions encouragent d'abord l'épargne.
  • Elles assurent à leurs membres des services et conseils financiers.

Paul Jones est l'un des grands penseurs des Credit Unions en Grande-Bretagne. Docteur en économie sociale, ses recherches sont étroitement liées aux établissements de ce type.

On parle plus de « culture du crédit » que de l'épargne en Grande-Bretagne. Pourquoi ?

Cette « culture du crédit » date de la période post-Seconde Guerre mondiale. En Angleterre, la population a connu un véritable accès aux crédits et, au fil des années, aux crédits trop faciles. À tel point que, depuis environ 10 ans, nous faisons face au problème croissant du surendettement, et cela ne s'est pas arrangé avec la crise économique. À l’origine les Credit Unions portaient d'ailleurs bien leur nom : elles ont été créées pour accorder des crédits, mais sans but lucratif, au sein de communautés, de groupes de travailleurs, ... L'époque que nous traversons marque un véritable changement des mentalités en Grande-Bretagne. Les Credit Unions n'échappent pas à la tendance. Les gestionnaires de ce type d'établissement cherchent désormais de plus en plus à encourager l'épargne, pour garantir le crédit, et pour assurer aux clients un certain confort. Pour combattre la pauvreté, les problèmes d'endettement, l'épargne est la meilleure solution.

L'épargne par le crédit ?

Oui, mais ce n’est que l’une des multiples dimensions visant à encourager l'épargne. Les Credit Unions reposent en partie sur ce concept. Par exemple, une personne qui a contracté un prêt auprès d'une Credit Unions, remboursera son crédit 10 livres par semaine, mais versera en même temps 2 livres supplémentaires qui atterriront sur son compte d'épargne. De cette manière, à l'échéance du prêt, elle aura constitué un petit capital « forcé ». Tout le monde y gagne : la Credit Union qui a collecté de l'épargne et, du même coup, augmenté sa capacité à prêter et l'épargnant. Psychologiquement et socialement, avoir de l'argent de côté, c'est très important. Mais, aujourd'hui, nous allons plus loin dans l'incitation à l'épargne.

Comment ?

À travers nos partenariats, notamment. Par exemple, la grande majorité des Credit Unions en Grande-Bretagne travaillent avec des Housing associations, soit des associations de logements sociaux. Ces dernières aident des gens à faibles revenus à trouver un logement. Mais elles ont besoin que leur locataire bénéficie de services financiers afin de régler le loyer (un compte en banque, un crédit, etc.), ainsi que d'une garantie que les mensualités seront bien versées. En Angleterre, l'exclusion financière est bien plus élevée qu'en Belgique. Sans les Credit Unions, des gens à faibles revenus ou surendettés par exemple, n'ont pas accès aux services bancaires de base. Encore une fois, tout le monde y gagne : la Housing Association encaisse ses loyers, la Credit Union bénéficie d'une forte publicité, et, surtout, le membre bénéficie d’une aide qu'il se voit généralement refusée par le système bancaire traditionnel.

Les Credit Unions sont-elles fortement développées en Grande-Bretagne ?

Nous gagnons du terrain. À Manchester, nous comptons 120 000 membres, à Leeds 30 000, à Glasgow 35 000. Au total, ce sont plus d'un million de personnes qui font partie des Credit Unions en Grande-Bretagne !

Les Credit Unions visent-elles uniquement un public plus vulnérable financièrement ?

La majorité de nos membres sont des personnes qui dépendent des allocations sociales de l’État. Le mois dernier à Manchester, nous avons recruté 500 nouveaux membres dont 400 étaient des personnes à faibles revenus. Nous sommes hors du circuit traditionnel et plus à l'écoute, c'est donc prévisible, en un sens. Mais les Credit Unions doivent se diversifier pour survivre : nous avons besoin de membres qui appartiennent à la classe moyenne pour continuer à boucler nos bilans. Malheureusement, à ce titre, les Credit Unions sont des institutions financières comme les autres ! La spécificité de la Grande-Bretagne, c’est que, chez nous, les Credit Unions sont implantées dans des quartiers défavorisés, alors qu’ailleurs dans le monde, où le modèle est aussi développé, ce n'est pas nécessairement le cas.

Comment encourager la mixité au sein de vos membres ?

Via les fusions, notamment. Nous étions six à Manchester, aujourd'hui nous ne formons plus qu'un seul établissement, plus fort, avec plus d’écho. À Manchester, aussi, nous travaillons avec plusieurs corps de métiers autour de l'épargne : les municipalités, les hôpitaux, le personnel d’entretien... au moment de payer le salaire, une somme est prélevée automatiquement et envoyée sur le compte d'épargne du salarié. Quand je vous dis que la culture est différente en Angleterre, c’est vrai : tout le monde, la classe moyenne y compris, doit apprendre à épargner. Ce système fonctionne donc très bien, car il est automatique, lié à l'employeur. Nous misons actuellement sur le développement d'une série d'outils en ligne. Si notre interface est aussi performante que celle d’une grande banque, nous avons plus de chance de recruter des membres aux profils différents. Au-delà de tout cela, le changement est en marche depuis la crise financière : beaucoup plus de gens veulent mettre un peu d'argent de côté ou se détourner du système bancaire traditionnel.

Les Credit Unions font donc également de l'éducation financière ?

Bien sûr. Certaines ont un programme d'éducation financière à proprement parler. À Manchester, nous n'en avons pas, mais nos conseillers sont formés pour écouter et réagir à des profils critiques. Là, on perçoit la différence avec le circuit traditionnel et, surtout, avec les fournisseurs de crédit rapides1. Chez nous, le temps consacré à chaque personne est souvent proportionnel à ses difficultés financières.

1Les payday loans en Angleterre sont des petits prêts à court terme (une ou deux semaines jusqu'à la prochaine « paie »). Comme il n'existe pas de limite aux taux d'intérêts, ceux-ci peuvent atteindre les 400 %!

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