Etre épargnant solidaire, c’est quoi ?
Qu’il dispose de quelques euros en fin de mois ou qu’il hérite d’une somme importante à investir, l’épargnant se trouve face à une kyrielle de possibilités. Mais toutes ne se valent pas. D’un point de vue financier, les rendements sont, certes, variables. Mais surtout, les produits financiers diffèrent en termes de finalité de l’argent placé.
En effet, l’épargnant n’en est pas toujours conscient mais chaque euro placé permet à la banque de financer une entreprise ou un projet. Entre l’octroi d’un crédit pour la production d’armes ou pour le développement d’une ferme biologique, il y a un monde de différence.
C’est ici qu’intervient la notion de solidarité, laquelle se définit selon les six principes suivants1 :
- Egalité : satisfaire de manière équilibrée les intérêts respectifs de toutes les parties prenantes intéressées par les activités de l’entreprise ou de l’organisation ;
- Emploi : créer des emplois stables et favoriser l’accès à l’emploi des personnes défavorisées ou peu qualifiées ;
- Environnement : favoriser les actions, produits et méthodes de production qui ne nuisent pas à l’environnement à court et à long termes ;
- Coopération : favoriser la coopération et éviter la compétition au sein et à l’extérieur de l’organisation ;
- Non-profit : les initiatives solidaires n’ont pas pour finalité l’obtention d’un bénéfice, mais la promotion de l’individu et de la société ; ce qui n’exclut pas, lorsque c’est possible, de générer un profit. Les bénéfices éventuels ne se répartissent pas au profit d’un individu mais sont retournés à des projets solidaires ;
- Concertation : les initiatives solidaires s’intègrent pleinement dans le contexte social dans lequel elles se développent, ce qui exige la coopération avec d’autres organisations et l’implication dans des réseaux, afin de générer un modèle socio-économique alternatif.
L’individu qui se lance dans l’épargne solidaire pose, dès lors, un acte engagé au même titre que le consommateur qui achète des produits du commerce équitable, par exemple.
Un produit d’épargne solidaire, c’est quoi ?
Les produits d’épargne solidaires se déclinent sous les mêmes formes que les produits d’épargne traditionnels. Selon ses critères de risque, de liquidité et de rendement, l’épargnant peut choisir de placer son argent dans des comptes d’épargne, comptes à terme, SICAV et fonds communs de placement, assurances vie ou encore actions et parts sociales d’organisations solidaires.
Mais, la finalité des produits d’épargne solidaires est différente : ils favorisent la cohésion sociale par le financement de projets et d’entreprises qui présentent une valeur ajoutée pour l’homme, la culture et/ou l’environnement.
Pour ce faire, ils intègrent en leur sein un mécanisme de solidarité sur le capital de l’épargne et/ou sur les revenus de l’épargne :
- L’investissement solidaire (solidarité sur le capital de l’épargne) : il consiste à investir l’épargne dans des associations ou des projets à plus-values sociale, culturelle ou environnementale.
- Le placement avec partage solidaire (solidarité sur les revenus de l’épargne) : il consiste à partager tout ou partie des bénéfices dégagés par le placement de l’épargne au profit d’associations ou de projets à plus-values sociale, culturelle ou environnementale.
L’épargnant s’adressera donc aux institutions financières engagées dans une démarche solidaire, qu’il s’agisse de financiers alternatifs (coopératives telles que Crédal et Hefboom en Belgique), de banques éthiques ou de banques traditionnelles.
Un label international : pourquoi ?
Le marché de l’épargne solidaire se développe : l’encours croît chaque année et le nombre de produits solidaires augmente constamment. Par ailleurs, la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède et la Norvège proposent ce type de produits.
Certains promoteurs peuvent être tentés de pratiquer une « solidarité de façade » en vue de redorer leur image de marque. Dans ce cas, ils proposent à leurs clients des produits dont les critères de solidarité sont réduits à leur plus simple expression.
Il importe donc de distinguer les produits d’épargne solidaires des produits d’épargne classiques et des produits qui n’ont de solidaire que le nom.
C’est pourquoi, trois organisations de promotion de la finance éthique et solidaire se sont regroupées pour élaborer un label international des produits d’épargne solidaires : Finansol en France, le Réseau Financement Alternatif en Belgique ainsi que la Febea (Fédération européenne des banques éthiques et alternatives).
Le nouveau label consacre toute forme d’épargne et d’investissement socialement responsables qui vise à favoriser la cohésion sociale par le financement, grâce à un mécanisme de solidarité, d’activités de l’économie sociale et ce, dans une transparence totale à l’égard des souscripteurs.
Ce nouveau label ambitionne de renforcer la lisibilité et la visibilité des produits d’épargne solidaire : les critères de distinction des produits d'épargne solidaire permettent à l’épargnant d’identifier rapidement les produits solidaires parmi l’ensemble des produits financiers existants et donc de choisir en connaissance de cause.
Il vise également à accroître la crédibilité du secteur : le développement de la commercialisation de produits labellisés par des grands réseaux bancaires institutionnels ajoute au sérieux du secteur.
Un label : comment ?
Un label des produits d’épargne solidaires existe déjà en France depuis une dizaine d’années. Fortes de cette expérience, les trois organisations instigatrices du label international ont voulu tenir compte de la réalité européenne et des marchés de plus en plus ouverts. Elles ont donc élaboré des critères suffisamment communs pour réunir les produits d’épargne solidaire, quel que soit leur pays d’origine, d’une part, et suffisamment sévères pour distinguer les produits d’épargne réellement solidaires, d’autre part.
Ainsi, pour obtenir le label, un produit financier doit impérativement respecter les conditions suivantes :
- Le produit financier doit être un produit d’épargne, d’investissement ou de dépôt : il doit donc s’agir d’un compte courant, d’un compte d’épargne, d’un compte à terme, d’un fonds d’investissement, d’un produit d’assurance, de participations dans du capital et obligations. Les cartes de crédit sont exclues du champ de labellisation. En effet, bien qu’elles permettent le plus souvent une position créditrice de la part du client et malgré que certaines proposent un mécanisme de solidarité en faveur d’associations de protection de l’environnement ou des droits de l’homme, notamment, ces produits financiers ne constituent pas un produit d’épargne à proprement parler. Si elles offrent une facilité de paiement à leur détenteur, elles sont aussi un outil d’endettement, voire de surendettement pour les individus.
- Le produit d’épargne, d’investissement ou de dépôt doit viser à favoriser la cohésion sociale par le financement d’activités de l’économie sociale (action sociale, développement local de territoires marginalisés, défense des droits de l’homme, culture, éducation, environnement, coopération Nord-Sud).
- Le produit d’épargne, d’investissement ou de dépôt doit prévoir des mécanismes de solidarité, sur le capital et/ou sur les revenus : comme mentionné plus haut, soit l’épargne est investie dans des associations ou des projets à plus-value sociale, culturelle ou environnementale (solidarité sur le capital), soit les bénéfices dégagés par le placement de l’épargne sont donnés, en tout ou en partie, à une association ou à un projet à plus-value sociale, culturelle ou environnementale (solidarité sur le capital).
- Le produit d’épargne, d’investissement ou de dépôt doit s’inscrire dans une démarche socialement responsable : l’épargne qui n’est pas directement utilisée pour le financement des activités de l’économie sociale doit être placée, particulièrement pour les produits qui font de l’investissement, en prenant en considération des préoccupations sociales, éthiques et environnementales, en plus des critères financiers.
- La gestion du produit d’épargne, d’investissement ou de dépôt doit être totalement transparente à l’égard des souscripteurs : l’information transmise à l’épargnant doit, notamment, être simple, claire, exhaustive, disponible à partir d’une source écrite et favoriser la traçabilité de l’emploi de l’épargne.
- Le produit d’épargne, d’investissement ou du dépôt doit proposer des conditions financières en phase avec les pratiques du marché : les conditions financières, notamment, doivent être équitables entre les différentes parties prenantes (épargnant, promoteur, bénéficiaires du financement).
Le label international des produits d’épargne solidaires distingue les produits qui répondent à tous ces critères. Il garantit donc le sérieux des produits labellisés.
Pratiquement…
Les comptes d’épargne, Sicav et autres assurances vie solidaires qui auront obtenu le label afficheront ce dernier sur tous les documents mentionnant le produit. L’épargnant pourra donc aisément s’informer sur l’éventail de produits d’épargne solidaires proposés par les différents acteurs financiers.
En outre, il pourra comparer tous les produits existants sur le site Internet www.fineurosol.org. Ce site, dédié à la finance solidaire, explique de manière détaillée les critères et la procédure de labellisation et dispose, surtout, d’un tableau reprenant tous les produits d’épargne labellisés. L’épargnant pourra y sélectionner les produits selon leur pays d’origine, le type de produit (compte à terme, parts sociales, etc.), le mécanisme de solidarité (sur le capital ou sur le revenu de l’épargne), le gestionnaire de produit, etc.
Pour cela, il faudra patienter quelques mois encore, le temps que les premières demandes de labellisation soient introduites, analysées et, le cas échéant, acceptées.
En pratique, l’épargnant pourra s’appuyer sur ce nouvel outil dans la seconde moitié de 2007.
Françoise Radermacher - Novembre 2006
1 Principes de la Charte pour un monde solidaire, établie par des réseaux de l’économie solidaire au sein de l’Union européenne