Faut-il vraiment s’étonner des pollutions à large échelle engendrées par l’industrie minière ?
Notre planète est soumise à rude épreuve, du fait de l’augmentation de sa population, qui a quadruplé en un siècle, et de la croissance, qui entraîne une pression de la demande sur l’offre de ressources en matières premières. En l’occurrence, l’industrie extractive a encore du grain à moudre, et ne s’est d’ailleurs jamais aussi bien portée : entre 1999 et 2006, le prix des métaux bruts a triplé en moyenne ; le prix de l’uranium a sextuplé et celui du cuivre a doublé depuis 2005.
Pendant ce temps, les gains nets de l’industrie minière ont crû de manière exponentielle : de 5 milliards de dollars en 2002 à 45 milliards de dollars en 2006. Le prix de l’or a quant à lui franchi en janvier 2008 la barre de 900 dollars l’once, un maximum historique.
Cette croissance a un prix : pour extraire les minerais au rythme voulu par les marchés, les multinationales de l’industrie extractive ne lésinent pas sur les méthodes d’extraction polluantes avec des produits hautement toxiques comme le mercure, l’arsenic ou le cyanide. De plus, les peuples concernés n’ont en général pas voix au chapitre pour ce qui concerne le développement de leur région. Les entreprises minières sont très gourmandes en concessions gérées pour la plupart sans la moindre concertation avec les populations locales, d’où les expropriations et autres violations des droits sociaux constatées sur le terrain.
De surcroît, les États riches en minerais sont presque tous situés dans l’hémisphère sud et leur réglementation fiscale est soumise à de telles pressions que les compagnies minières participent finalement très peu au développement économique de ces pays, du fait des exemptions dont elles bénéficient. Quand il ne s’agit pas d’évasion fiscale pure et simple, ou de soutien financier à des belligérants...
Les exemples abondent
Amérique latine, Afrique et Indonésie sont le théâtre de ces extractions coûteuses pour l’environnement et les vies humaines. Pointons tout particulièrement Freeport Mc Moran qui exploite le cuivre, l’or et le molybdène (métal blanc) de la mine de Grasberg, considérée comme la mine la plus polluante du monde, dans une île disposant d’une biodiversité jadis incomparable, la Papouasie.
Si l’on totalise les actions de cette entreprise, possédées ou gérées par les principales banques actives en Belgique – Fortis qui est à présent propriétaire d’ABN-Amro, Citibank, ING, Dexia, KBC, Deutsche Bank – on atteint la somme rondelette de 1,8 milliard de dollars. Si vous placez votre épargne ou investissez dans des fonds proposés par une ou plusieurs de ces banques, il est possible que votre argent ait contribué à détruire le delta de la rivière Aghawagon. Chaque jour, Freeport rejette dans cette rivière pas moins de 230 000 tonnes de décombres de pierre polluées, soit 3,25 milliards de tonnes sur toute la durée de la mine !
Ces décombres contiennent des métaux lourds : cuivre, arsenic, cadmium, mercure, annihilant toute forme de vie dans le cours d’eau qui ne peut plus être utilisé pour l’eau potable
ou la pêche. La forêt tropicale qui jouxte la rivière est également mise à rude épreuve. Et les policiers corrompus par cette entreprise ne sont pas en reste d’exactions parmi la population riveraine. Gold Corp, qui exploite les mines de Marlin et de Cerro Blanco au Guatemala, est responsable de la pollution de la rivière Tzala et de la déstabilisation des sols. Les banques actives en Belgique qui possèdent ou gèrent des actions de cette entreprise y ont investi au total 433 millions de dollars...
Citons aussi Newmont qui exploite la mine d’or de Yanacocha au Pérou (US$ 414,5 millions issus des banques belges) et où de graves pollutions de l’eau ont été dénoncées, et Barrick Gold, compagnie extractive d’or, d’argent et de cuivre qui entend exploiter la mine de Pascua Lama à la frontière entre le Chili et l’Argentine (US$ 325,3 millions issus des banques belges). Ce cas a été plus largement médiatisé que les autres depuis 2005, parce que le gisement repose sous des glaciers entre 4000 et 5000 m d’altitude et que son exploitation
à coups de cyanide et de sulfure détruirait toute une vallée et un écosystème précieux, notamment les ressources en eau de 70 000 personnes.
Les commentateurs expliquent ce retard par diverses raisons, dont la mobilisation sociale (1). Il n’est pas certain in fine que Barrick Gold exploitera les 17 millions d’onces d’or et les 689 millions d’onces d’argent pour lesquels 2,4 milliards de dollars ont déjà été investis. La pression de l’opinion publique chilienne, argentine et internationale pourrait encore avoir raison de ce projet extrêmement risqué pour l’environnement des deux pays concernés. Le moment est donc stratégique pour interpeller votre banque à ce sujet !
Une nouvell e colonisation ?
Daan Janssens, de l’ASBL Catapa, s’inquiète du fonctionnement actuel du secteur minier. Il estime que ce dernier réalise une véritable recolonisation dans la mesure où il remet en cause la souveraineté des États du Sud.
D’après le ministère péruvien de l’Énergie et des mines, 20 % du territoire national péruvien est aux mains d’entreprises étrangères et, depuis 5 ans, le nombre de concessions croît de 9,6 % par an.
Au Guatemala, 30 % du sol fait l’objet de demandes de concessions de compagnies minières, pétrolières et gazières. Une fois que l’exploitation commence, les paysans sont le plus souvent chassés. Seuls 2,6 % de la population trouvent un emploi dans ces industries. Dans ce contexte, on comprend que l’accord de paix, signé au Guatemala après 36 ans de guerre civile, reste fragile. La société civile y est bien organisée et soutient les paysans dans leurs revendications pacifiques. Mais la prévention des conflits n’aura désormais de sens et de chance que si des réglementations plus strictes sont imposées aux entreprises, et que leur application est dûment contrôlée.
En comparaison, la situation au Congo semble inextricable. Difficile en effet pour les compagnies minières de rester étrangères aux conflits se déroulant sur le territoire qu’elles exploitent. C’est ainsi qu’Anglogold Ashanti, exploitant la mine d’or de Mongbwalu au nord-est de la R DC (US$ 22 millions issus des banques belges), en est arrivé à composer avec les milices de la région pour garantir son accès aux ressources. Voilà comment le revenu des mines finance l’armement des conflits de pouvoir ethniques de la région. La faiblesse du cadre politique et de la société civile profite aux belligérants comme aux entreprises, parce que le chaos ambiant les dispense de leurs obligations fiscales. L’enjeu est pourtant considérable : le continent africain détient la moitié des réserves d’or mondiales identifiées et assure actuelle-ment un quart de la production annuelle mondiale.
80 % des plus gros gisements africains sont aux mains des multinationales. Problème : il s’avère plus difficile de réguler le commerce de l’or que celui du diamant, désormais traçable depuis la mise en oeuvre du processus de Kimberley en 2003. À la différence du diamant, l’or, lui, peut être fondu…
(1) D. Estrada, « Latin America Up Date - Pascua Lama Mining Project on Hold - By Daniela Estrada», 25/1/2008. En ligne: www.minesandcommunities.org
Des mines d’or d’information en Flandre
Curieusement, les ONG belges actives pour observer et dénoncer les agissements du secteur minier sont toutes néerlandophones. Il est temps de profiter de leur savoir et de leurs contacts pour faire rebondir ces informations du côté francophone !
Outre le travail réalisé par Netwerk Vlaanderen sur les placements des banques belges dans ce secteur, en ligne sur www.secretsbancaires.be, pointons l’ONG Broederlijk Delen qui suit depuis plusieurs années la problématique minière au Congo. L’ASB L Catapa, quant à elle, est entièrement vouée à la sensibilisation aux problèmes liés à l’industrie minière et soutient les groupes locaux qui y sont confrontés dans divers pays d’Amérique latine.
Infos: http://www.catapa.be.