La Belgique est le premier pays au monde à instaurer une interdiction quant à la production, l’utilisation, le stockage, l’achat, la vente, la livraison et le transport d’armes à uranium. L’interdiction des armes à uranium entraîne également des questions sur les institutions financières qui contribuent à la production de ces armes controversées.
Toxicité
L’uranium appauvri (UA) est un résidu du processus d’enrichissement du minerai d’uranium permettant son utilisation dans des armes et réacteurs nucléaires. Comme d’autres métaux lourds, l’uranium appauvri est chimiquement toxique, mais il s’agit surtout d’un émetteur de particules alpha d’une demivie radioactive de 4,5 milliards d’années.
Pour l’industrie de l’armement, il présente l’avantage d’être dense, pyrophore, bon marché et disponible en quantité. Selon ses opposants, l’uranium appauvri est le cheval de Troie de la guerre nucléaire : il continue d’irradier et de tuer après les combats.
Il est impossible de s’en débarrasser, il agit ainsi comme une bombe radiologique. Il se désintègre par 14 réactions successives en plomb 206Pb qui est stable. Après la campagne du Kosovo en 1999, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a réclamé l’interdiction de la fabrication, des essais, de l’utilisation et de la vente d’armes à l’uranium appauvri afin de préserver les générations présentes et futures (Conseil de l’Europe 24/01/2001).
Aux termes de la loi fédérale américaine, titre 50, chapitre 40, article 2302, les armes à uranium appauvri correspondent à la définition des armes de destruction massive pour deux de leurs trois critères.
La production d’armes à uranium a lieu aux États-Unis, en R ussie, en France et au Pakistan.
La contamination radioactive et toxique résultant de l’uranium appauvri entraîne, encore longtemps après le conflit armé, cancers, malformations à la naissance et autres problèmes de santé graves.
Entreprises impliquées
Alliant Techsystems (ATK) est le plus grand fabricant de munitions au monde, tant en matière d’applications militaires que pour les services de police, les armes de sport et de chasse. ATK emploie 16 500 travailleurs et est actif dans 21 États des États-Unis. L’entreprise se profile de plus en plus sur le marché de l’aérospatiale et des systèmes de propulsion. Outre toutes sortes de munitions, de moteurs de missiles et d’armes nucléaires, ATK fabrique différents produits contenant de l’uranium appauvri qui sont utilisés dans des tanks, des véhicules blindés, des avions et des Houwitzers américains. L’un d’entre eux – le 30 mm PGU-14 – est un projectile qui a été utilisé lors des bombardements aériens en ex-Yougoslavie. D’autres projectiles d’ATK contenant de l’uranium appauvri (notamment le M-829) ont été utilisés lors de l’opération Tempête du Désert en Irak.
En février 2006, l’armée américaine a encore passé une commande d’une valeur de 38 millions de dollars pour la nouvelle version de cette arme. Les armes à uranium d’ATK sont exportées vers la Grèce, la Corée du Sud, la Turquie, la Thaïlande et le Koweït.
GenCorp est un important fabricant américain d’armes, spécialisé dans les systèmes de propulsion pour l’aéronautique, les systèmes tactiques d’armement et les munitions. Gencorp, dont le siège central est situé en Californie, emploie 3 000 personnes.
Aerojet Ordnance Tennessee (AOT), une filiale de GenCorp, fabrique les ‘penetrators’ – la partie de la munition fabriquée à partir d’uranium appauvri – pour des projectiles de gros et de moyen calibre.
General Dynamics fabrique, entre autres, pour l’armée américaine des tanks équipés de blindage composé d’uranium appauvri. Les munitions à uranium de General Dynamics ont été utilisées pendant la guerre en Irak en 2003. Pendant la première guerre du Golfe, l’équivalent de 10 tonnes d’uranium appauvri a été utilisé sous la forme de munitions produites par General Dynamics.
Des armes à uranium de General Dynamics ont été exportées vers le Bahrein, Israël, la Jordanie, le Pakistan, l’Arabie saoudite et la Turquie.
Interdire le financement des armes à uranium appauvri et des armes nucléaires
Le droit international humanitaire (DIH ) est un ensemble de règles qui, pour des raisons humanitaires, cherchent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre.
Il comprend de nombreux traités internationaux ratifiés par la Belgique, parmi lesquels :
- le Traité de non-prolifération nucléaire du 1er juillet 1968 ;
- la Convention sur l’interdiction des armes biologiques du 16 décembre 1971 ;
- la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques du 10 octobre 1980 ;
- la Convention sur l’interdiction des armes chimiques du 13 janvier 1993 ;
- la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel signée le 3 décembre 1997
De manière cohérente, la Belgique a interdit le financement des entreprises dont l’activité des entreprises dont l’activité consiste en la fabrication, l’utilisation, la réparation, l’exposition en vente, la vente, la distribution, l’importation ou l’exportation, l’entreposage ou le transport de mines antipersonnel et/ou de sous-munitions (1).
Le Norwegian Government Petroleum Fund a été plus loin en excluant de son portefeuille toutes les entreprises liées à des atteintes graves aux droits individuels dans des situations de guerre ou de conflit. Son comité d’éthique se base à cet effet sur le droit international humanitaire et, notamment, les cinq traités dont il est question ci-dessus.
Résultat : ont été exclus des investissements consentis par le fonds, des entreprises comme Singapore Technologies Engineering, Alliant TechSystems Inc. (US), EADS Co (Hol.), EADS Finance BV (Hol.), General Dynamics Corporation (US), L3 Communications Holdings Inc. (US), Lockheed Martin Corp. (US), Raytheon Co. (US), Thales SA. (Fr.), BAE Systems Plc. (UK), Boeing Co. (US), Finmeccanica Sp.A. (It.), Honeywell International Inc. (US), Northrop Grumman Corp. (US), United Technologies Corp. (US), Safran SA (Fr.)
Ces entreprises sont en effet convaincues de développer et de produire, qui des mines antipersonnel, qui des bombes à fragmentation, qui des armements nucléaires. La Belgique ne pourrait-elle emboîter le pas et élargir notamment aux armes à uranium appauvri et aux armes nucléaires l’interdiction de financement actuellement prévue à l’encontre des entreprises dont l’activité est liée aux mines antipersonnel et/ou aux sousmunitions ?
(1) Loi du 20 mars 2007 interdisant le financement de la fabrication, de l’utilisation ou de la détention de mines antipersonnel et de sous-munitions