Nature et Progrès sur la brèche

Ce document est disponible dans notre centre de documentation (référence AR-ATTO2009-3)
14/11/2009
Aucun vote pour le moment
Interview de Marc Fichers, directeur

Auteur(s): 

Editeur: 

Réseau Financité, (ex- Réseau Financement Alternatif)

Type de document: 

FINANcité : Quelle vision Nature & Progrès a-t-elle du modèle agricole souhaitable ?

Marc Fichers : Nature & Progrès ne croit en la survie de l'agriculture qu’à condition que l’agriculteur maîtrise la transformation et la commercialisation de son produit. Nous ne croyons plus à une agriculture basée sur une fourniture d’ingrédients où la valorisation est aux mains de l’industrie. L’avenir est principalement dans les produits à haute valeur ajoutée : fruits et légumes, voire fromage, ce qui nécessite peu de surfaces.
Nous croyons plus à la complémentarité et au partage de terres entre des agriculteurs plutôt qu’à l’acquisition de terres en propre. Si de nouveaux maraîchers veulent s’installer, ils ont intérêt à s’arranger avec un agriculteur qui fait de grandes cultures en bio en lui louant 2 ou 3 hectares, plutôt qu'à s’endetter pour acheter. L’accès à la terre peut être réalisé par une mise à disposition de la terre. Nous voyons plus de possibilités dans l’échange humain.

FINANcité : Comment analysez-vous la crise actuelle dans le monde agricole ?

M.F. : L’agriculteur conventionnel ou même bio actuellement est un fournisseur d’ingrédients pour l’agro-industrie. Le problème central de la crise agricole, c’est que les agriculteurs sont producteurs d’ingrédients et, pire, ils ne sont pas maîtres de la transformation et de la commercialisation de leur production. Par exemple, on ne peut pas dire que l’agriculteur vende son lait. Non, l’agriculteur livre son lait, c’est là toute la différence.

FINANcité : Vous plaidez contre l’industrialisation de l’agriculture et pour le développement d’autres modèles de distribution ?

M.F. : On vit dans un petit pays et nous avons des terres minuscules au regard de ce qui se rencontre ailleurs dans le monde. Il n’y a de possibilités de développement que dans l’appropriation de l’outil de transformation et de commercialisation par l’agriculteur. Ce qui passe par le rapprochement entre le consommateur et le producteur : le consommateur doit être conscient qu’il peut exercer une influence sur son environnement social et économique. Il faut éviter que, par l’achat de nos produits alimentaires, nous fassions le jeu de l’agro-industrie.

FINANcité : Vous défendez des modèles comme les groupes d’achats collectifs ou les AMAP ?

M.F. : Les groupes d’achats collectifs (cf. p. 8) sont intéressants parce que ce sont des laboratoires d’échanges, de discussion, de sensibilisation. Mais, pour nous, la solution est clairement dans l’appropriation de la transformation et de la commercialisation par l’agriculteur. Il faut que l’agriculteur soit maître de son outil.

FINANcité : Cette appropriation est-elle possible par un agriculteur qui agit seul ?

M.F. : En Belgique, l’agriculteur est une personne qui travaille plutôt seule. On ne connaît pas beaucoup d’agriculteurs qui acceptent de partager leurs idées, leurs outils, voire leur production. Ici, ça a rarement pris. Peut-être que la situation amènera à ce que cela se développe.
N'oublions pas que les grandes fromageries ou les grandes structures de transformation du lait étaient toutes des coopératives d’agriculteurs au départ. En grandissant, elles ont fait rentrer du capital extérieur dans leur structure pour, à la fin, se faire racheter par des grands groupes agro-industriels. Au départ, c'étaient toutes de petites structures coopératives. Il faut bien mettre au point les règles du jeu dès le départ : coopératives, oui, mais clairement dans les mains des agriculteurs.

FINANcité : Y a-t-il un problème d’accès à la terre en Belgique ?

M.F. : Certainement. La terre est très chère en Belgique. Le développement des terres agricoles doit-il passer par la propriété ? Je n’en suis pas certain. C'est pourquoi nous prônons aussi la location ou la sous-location. Actuellement, de nombreuses structures publiques sont en train de vendre leurs terres : les CPAS, les églises, certaines structures publiques qui, avant, mettaient leurs terres en location. Le cahier des charges de ces ventes peut très bien contenir des clauses favorisant des agriculteurs qui veulent s’installer en production maraîchère pour la vente en circuit court, pour la vente locale. Toutes ces structures publiques mettent aussi en location de grandes quantités de terres. Les principaux critères actuels sont le prix et la proximité. On peut aussi plaider pour des critères d’attribution tenant compte de la production locale, respectueuse de l’environnement, dans le cas d'un bail à ferme. Celui-ci permet un accès à la terre, non pas en tant que propriétaire, mais en tant que locataire.

Infos complémentaires

Lieux: 

Type de support: 

Langue: 

Français