
Pauvreté et surendettement: un point de vue partagé
Pauvreté et dettes de crédit: une réalité contrastée
Ce facteur a été clairement cité comme étant la principale cause de surendettement dans les pays cités. Seule la lecture belge pointe du doigt l'impact que le surendettement peut avoir sur les revenus et devenir alors une cause de pauvreté.
Dans la plupart des cas, la pauvreté est associée à des problèmes de difficulté de gestion quotidienne, de compréhension des enjeux et des produits financiers, d'une moindre capacité de choix: circonstances de vies plus rudes et gamme de crédit offertes plus étroites et le plus souvent avec des conditions moins avantageuses.
Ce qui peut varier, en revanche, c'est l'accès au crédit par des populations précaires et la place de l'endettement crédit dans les situations de surendettement.
En Irlande, la réalité institutionnelle de l'offre de crédit, où l'on trouve un important marché « sub-prime », souligne le large accès au crédit par des familles pauvres ou précarisées. Les populations les plus pauvres ne sont donc pas « protégées » du surendettement crédit comme cela se constate en Belgique, où les ménages les plus pauvres sont relativement moins endettées en crédits et plus en « dettes non crédits »2.
Un autre élément qui rend possible l'endettement crédit des ménages précaires est l'absence de taux d'intérêt maxima sur les crédits qui leurs sont offerts. Cela permet en effet de rendre « rentable » des crédits au risque de défaut ou de retard élevés. Les prêteurs peuvent compenser les rentabilités plus faibles par des taux d'intérêt plus élevés, ou, ils peuvent également limiter l'analyse risque et de solvabilité de ces clients tout en octroyant des crédits rentables. Ces deux mouvements sont assez contraire à la notion de crédit responsable. Tant du côté de l'offre de crédit (pas d'analyse de solvabilité) que de la demande (pas de fourniture d'élément de preuves de capacité financière).
Comme autre facteur explicatif, on trouve encore le caractère inapproprié des crédits proposés. Cet élément n'est évidement pas indépendant du point mentionné précédent. Dans les pays anglo-saxons plus qu'ailleurs sans doute, la précarité des ménages et la faiblesse du pouvoir d'achat sont faussement combattus par ceux-ci par un usage de crédits. Ces derniers sont nombreux, parfois volumineux, le plus souvent coûteux et l'endettement cours sur des vies entières. Ces situations sont d'autant plus présentes que le marché des crédits est peu régulé.
La logique dominante concentre toujours la responsabilité dans les mains du particulier qui doit être à même de faire face à ces difficultés sans sombrer dans le surendettement. Les problèmes liés à la transparence et la compréhension des produits financiers, à la concurrence qui s'en voit entravées, à l'ordre public qui peut être troublé par des pratiques usuraires restent encore peu considérés comme devant être combattus.
Surendettement et accident de vie: un point de vue partagé
des réponses encore peu adaptées
Une recherche menée en Irlande sur le surendettement souligne le caractère généralement inapproprié des politiques d'éducation financières lorsqu'elles ont pour but de réduire le surendettement puisque dans la très grande majorité des cas, ce dernier naît non pas d'une mauvaise gestion, mais d'un accident de vie qui entraîne soit une hausse de charges, soit une baisse de revenu qui déséquilibre le budget pour une période significative. L'auteur souligne dès lors le déséquilibre qui s'observe entre les mesures préconisées par le Gouvernement qui tendent à valoriser les approches comportementales (guidance budgétaire et gestion financière) ou institutionnelles (accès au crédit) alors que le problème est avant lié à des causes socio-économiques qui sont hors du chant de contrôle des gens.
Ces constats ont été depuis longtemps soulignés en Belgique, notamment grâce aux études de l'Observatoire du crédit, mais force est de constater que les réponses proposées pour faire face à ce type de situation lorsque des contrats de crédit sont en cours manque pour le moins de souplesse. Les solutions développées impliquent le plus souvent l'intermédiaire d'un médiateur de dettes, dans une procédure amiable ou judiciaire.
Toutefois, les conséquences de la crise financières ont été particulièrement brutales dans certains pays, et parmi ceux-ci on trouve l'Espagne. Le marché espagnol se caractérise par un marché bancaire très développé, mature et compétitif où interviennent pour un epart significative des banques d'épargne et des banques coopératives, qui ont des missions de service public dans leur cahier de charge. On trouve également sur le marché espagnol des prêts hypothécaires rendant possible de très importantes modifications des taux d'intérêts et donc de la charge mensuelle de remboursement.
Face au raz de marée des emprunteurs hypothécaires en difficulté, pour enrayer le risque de voir s'effondrer en cascade le marché immobilier, une mesure d'urgence a été développée qui a été approuvée par le gouvernement. Il s'agit de réduire de 50% de la charge de remboursement du crédit hypothécaire dans un futur proche (montants qui sont postposés) pour les ménages à revenu modeste. Toujours dans le même ordre d'idée, dans la région de Vasco, le gouvernement intervient pour transformer les emprunts hypothécaires rendus trop coûteux pour les ménages en loyers, avec transfert de propriété. Cette option est réservée aux personnes ou ménages ayant perdu leur emploi suite à la crise financière, et elle est conçue pour permettre le rachat du bien immobilier après une certain laps de temps.
Olivier Jérusalmy,
octobre 2009
1 « Surendettement: Définition européenne opérationnelle commune du surendettement » étude commandée par la Commission européenne, réalisée par l'Observatoire de l’Epargne Européenne (European Savings Institute - Paris), le Centre for European Policy Studies - European Credit Research Institute (Bruxelles) et l'Université de Bristol (Personal Finance Research Centre), 2008.
2 Observatoire du Crédit et de l'Endettement, rapports d'évaluation annuels.