En bref
- La CGER, le Crédit communal, la Générale de Banque ... : les fusions/acquisitions et faillites ont appauvri la diversité du paysage bancaire belge.
- En tirer les enseignements pour soigner la finance est une question de courage politique.
Feu la CGER
Jusqu’à la fin des années 1950, la CGER jouira d’un quasi-monopole de fait dans la collecte de la petite épargne. Avec la modernisation des techniques de gestion, la politique d’expansion des agences bancaires, l’amélioration du niveau de vie de la population et la croissance économique des Golden Sixties, les banques se sont intéressées de près à cette catégorie d’épargnants. Depuis lors, la concurrence n’a fait que s’exacerber, non seulement entre les banques privées et la CGER, mais aussi entre la CGER et d’autres institutions publiques telles que le Crédit communal (1). La CGER est privatisée entre 1993 ( 50 % ) et 1997 ( 100 % ) et cédée pour une bouchée de pain au groupe Fortis, ce qui marque la fin d'une gestion publique du système bancaire en Belgique. Le Crédit à l’Industrie, MeesPierson et la Générale de Banque connaîtront le même sort. Le groupe Fortis tombe en faillite en 2008, requérant au passage une intervention de l’État par le biais, cette fois, d’une prise de capital au moyen de l’argent public (2).
Feu la BACOB
De son côté, en 1997, la banque coopérative BACOB absorbe Paribas Belgique, rebaptisée « Banque Artesia ». Le processus de restructuration se poursuit en 1999 avec la création d'Artesia Banking Corporation SA qui réunissait la banque retail BACOB, la compagnie d’assurances Les AP Assurances, la banque d’affaires d’Artesia ainsi que diverses filiales spécialisées. En juillet 2001, Arcofin, actionnaire de référence de ce groupe, conclut une fusion entre Artesia Banking Corporation et Dexia. Cette transaction permettra à Arcofin de devenir le principal actionnaire de Dexia, à côté notamment du Holding Communal.
Feu la Codep
Le secteur bancaire coopératif du pilier socialiste ne pourra davantage être maintenu : après une fusion de Codep avec la Banque Nagelmackers, la nouvelle entité sera finalement cédée, en 2001, au Groupe Delta Lloyd.
Feu le Crédit communal et Dexia Belgique
Il s'agit d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Celui où le célèbre Jef, le logo orange à la tête de chevalier, ornait fièrement les agences du Crédit communal. Créé en 1860 afin d'octroyer des crédits aux communes pour leurs investissements, le Crédit communal était alors une banque à caractère coopératif dont les communes étaient les actionnaires. Elle sera sacrifiée en même temps que le crédit local de France, lors de la création de la banque Dexia en 1996, fusionnant les deux entités. Il ne faudra pas longtemps à la nouvelle banque pour prendre des risques inconsidérés et devoir faire appel à l’État. Aussi, après de nombreux effets d'annonces, Dexia Holding se verra accorder en 2011 une garantie de l’État belge chiffrée à 54 milliards. Le même mois, la banque sera nationalisée et rebaptisée au passage « Belfius Banque & Assurances ». La suite est en cours d'écriture ...
Qu'en dire ?
Toutes les particularités dont bénéficiaient les banques de développement communautaire, comme des facilités fiscales, des garanties publiques ... et qui leur permettaient de remplir leurs fonctions de développement local, ont en grande partie disparu avec l’adoption de la première directive bancaire européenne le 12 décembre 1977(3). L'effacement des banques publiques et coopératives a donc été programmé puis encouragé par les politiques néolibérales. Aussi, ce n’est qu’en favorisant une économie démocratique, centrée sur l'homme et soucieuse de l'environnement que les banques pourront effectivement se détourner du chant de sirène de la finance casino et marquer leur différence (4). La perte de la diversité bancaire n'est donc pas une fatalité. Elle n'est sans doute qu'un accident de l'histoire qui peut être bien vite réparé.
1. PASLEAU, S., La politique de placement de la caisse générale d’épargne et de retraite ( 1955-1984 ), Revue belge d’histoire contemporaine, XIX, 1988, 3-4, pp. 499-541.
2. BAYOT, B., L’interventionnisme public dans la finance, Réseau Financement Alternatif, 15 décembre 2008.
3. Première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice, JO L 322 du 17.12.1977, p. 30–37.
4. BAYOT, B., Les coopératives d’épargne et de crédit , in « Coopératives : un modèle tout terrien », Les dossiers de l'économie sociale, 2011, n° 05 , ISBN 978-2-9600795-3-1 .