- Des projets-pilote encouragent à l'épargne.
- Une épargne accompagnée est parfois la solution.
À côté de ceux qui arguent qu'ils pourront épargner plus tard, à un moment plus approprié de leur vie, ou qu'ils n'ont pas assez d'argent pour le faire, certains peuvent avoir besoin d'un petit coup de pouce pour franchir le pas et retrouver la confiance en leur capacité de mettre de l'argent sur le côté. Je n'avais jamais épargné de ma vie ! Maintenant, je sais que c'est possible. Moi, j'épargnais, mais, à la moindre occasion, j'allais vider mon compte d'épargne. C'est ainsi que s'expriment des participants au projet-pilote de micro-épargne que Financité a mené entre mai 2011 et juin 2012, simultanément, en Belgique, en Hongrie et en France1. Ce programme visait à inciter des personnes à faibles revenus à épargner pendant une année et à analyser si, au terme de cette période, leur comportement d'épargne avait changé.
En Belgique
Chez nous, 180 personnes, disposant de revenus modestes et, pour la plupart, sans activité professionnelle, ont été recrutées et réparties dans 12 groupes à Bruxelles et en Wallonie. Les participants se sont engagés à épargner régulièrement pendant un an dans le cadre d'un programme d'épargne. Le challenge en jeu : s'ils arrivaient à épargner et à assister aux réunions pendant 12 mois, ils récupéraient, à l'issue du programme, leur épargne majorée de 50 %. Cette bonification, plafonnée à 120 €, représentait une épargne mensuelle de 20 €. Croire que cet incitant soit la seule raison qui ait incité ces personnes à épargner serait erroné. Ce cadeau a, certes, été le plus souvent le premier moteur pour se lancer dans l'aventure, mais cette bonification n'a pas empêché près de la moitié des personnes d'abandonner assez vite le programme. À l’inverse, plus de la moitié des participants a persévéré jusqu'à la fin du programme et certains s'astreignent aujourd'hui encore à l'épargne malgré la suppression de la bonification.
Se sentir capable
La plupart des participants avaient pourtant d'emblée exprimé la crainte de ne pas arriver à épargner de manière régulière, faute de moyens. Finalement, beaucoup d’entre eux se sont découvert un nouveau talent. Certains ont épargné 5 € par mois, quand d'autres ont mis 20 € ou plus de côté. Mais, plus important encore, en dédiant leurs économies à la construction d'un projet dans le moyen terme, ces participants ont réussi à anticiper et à retrouver un pouvoir de décision sur leur argent. Les réunions mensuelles rassemblaient les participants d'une même région. Les thèmes du surendettement, des risques liés au crédit, de la gestion budgétaire... ont permis aux participants de s'informer, mais surtout d'échanger au sujet de leurs expériences et de mettre leurs propres difficultés à épargner en résonance avec celles des autres. On le voit, les avantages tirés de ces projets – sentiment de confiance en soi, capacité de se projeter dans l'avenir, de construire un projet à plus long terme... – dépassent le simple bénéfice de la somme épargnée. Notre société tend à mettre en place des mesures curatives de médiation de dettes, de lutte contre le surendettement, de guidance budgétaire a posteriori, mais elle devrait également s'attacher à créer en amont des programmes de prévention. Qu'on le veuille ou non, l'épargne n'est pas un concept qui va de soi pour tout le monde : il demande un minimum d'apprentissage. Ce type de programme montre la nécessité de mettre en œuvre des solutions qui se basent directement sur les difficultés à épargner que les personnes rencontrent.
1Les résultats complets du projet SIMS (Social Innovation on Micro-Saving) sont consultables sur le site www.fininc.eu.
3 questions à Xavier Guyaux, enseignant en sciences économiques
Est-ce que vous parler de l'épargne avec vos élèves de secondaire ?
Surtout d'un point de vue macro-économique. Vous savez sûrement que des théories économiques envisagent l'épargne comme quelque chose de négatif : l'argent ne circule pas. Je discute aussi avec mes classes de la question des taux d'intérêts. J'ai beaucoup d'élèves musulmans et la charia interdit ce retour sur capital. Je prends du temps à essayer de leur faire comprendre qu'on est rémunéré pour un effort.
C'est le bon moment, l'école, pour préparer à l'épargne ?
Honnêtement, je pense qu'il est trop tôt pour convaincre de si jeunes personnes de penser à plus tard. L'épargne dans leur vie quotidienne peut seulement être envisagée sur le court terme, dans le but d'acheter quelque chose. A l'université aussi, ces questions d'épargne de vie sont peu abordées. Je pense que c'est au moment du premier emploi que tout se joue. Après d'autres notions préparent à une vie plus responsable, pour inculquer ces dernières, il n'est jamais trop tôt.
La gestion budgétaire par exemple ?
Bien sûr, c'est là que tout commence. Il y a un véritable travail de sensibilisation à faire auprès des jeunes. Par exemple, un de mes élèves avait réussi à souscrire à trois offres d'abonnements téléphoniques en même temps, et il est mineur bien entendu. Après avoir abordé en classe, ces questions d'offres douteuses, il est venu m'en parler. De manière générale, nos jeunes doivent être préparés à plusieurs notions : celle d'inflation, celle de taux d'intérêts, celle de frais récurrents, ... Ces notions devraient être inculquées à tous les élèves, pas uniquement aux classes de sciences économiques.