Il faut dire qu’ils avaient de bonnes raisons de le faire puisque leur mouvement religieux fondé en Angleterre était aussi un acteur économique de premier plan qui détenait les principales industries du pays mais aussi de grandes banques comme la Barclays ou la LLoyds. Ceux qui émigreront aux États-Unis vont ainsi être parmi les premiers à refuser d'investir dans le commerce de la guerre ou le trafic d'êtres humains, bien avant l'abolition de l'esclavage.
Ils posaient ainsi les prémices de l’investissement socialement responsable, aujourd’hui plus communément appelé investissement durable. Trois siècles plus tard, l'Union européenne s’en est emparée pour en faire un pilier de sa stratégie pour le climat, avec l'objectif de financer une croissance économique respectueuse de l'environnement via des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Et voilà qu’en juin 2025, la Commission européenne a proposé d’accélérer les investissements dans la défense en édictant des orientations sur les « investissements durables dans le secteur de la défense » et en clarifiant la notion d'armes interdites en matière de finance durable. Elle prétend que l’industrie de la défense européenne « favorise la durabilité » en contribuant à la résilience, à la sécurité et à la paix ou encore qu’elle est fortement régulée, ce qui réduirait les risques d’impacts négatifs.
Magnifique exemple de la novlangue chère à George Orwell dans son roman d'anticipation 1984, qui vise à rendre impossible l'expression des idées potentiellement subversives et à éviter toute formulation de critique de l’État ! « À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l’exprimer. » Restons sérieux ! Si les États décident de renforcer leurs commandes d'armes, que ce soit ou non justifié, cela n'augmente pas l’impact social et environnemental des entreprises actives dans le secteur de la défense. Donner à croire que la défense est un sujet de finance durable vise uniquement – la Commission ne s’en cache d’ailleurs pas – à accélérer les investissements dans celle-ci.
Car il s'agit en réalité d'une régression de la politique de durabilité qui n’est pas du tout partagée par les banques durables. Celles-ci considèrent que le financement des armes entre en contradiction avec la définition de la finance durable et que le règlement durable des conflits ne peut se faire que par le dialogue ouvert, des négociations pacifiques et une collaboration sincère comme moyen de renforcer la confiance qui sous-tend la paix (GABV, Déclaration de Milan, Une déclaration pour la paix, 2024).
Que la Commission européenne souhaite accélérer les investissements dans la défense est un choix politique qui lui appartient mais pas en trahissant la notion de finance durable que ses défenseur·euse·s d’hier et d’aujourd’hui n’ont jamais destinée à soutenir le matériel de guerre.